Il est presque 23 heures et tu te demandes encore pourquoi tu as accepté d’accompagner Zee à cette soirée insipide. La musique est trop forte, il y a trop de monde, il ne se passe pas grand-chose. Zee a exhibé sa nouvelle robe bleue, ses bottines irisées et son plus beau sourire. Elle est en pleine campagne de communication, elle doit montrer qu’elle est heureuse.
Personne n’ira vérifier si c’est vrai. Elle papillonne, fait des bises et papote. Toi, tu la regardes à moitié amusée par son manège auquel tu as joué bien souvent. Tu te ressers un verre. Tu réalises que tu as oublié de dîner et qu’il est trop tard pour y remédier. Tant pis, tu ne mangeras que liquide et ta tête tournera de plus en plus. Un mec t’aborde.
Tu n’as même pas envie de faire semblant de le trouver intéressant. Pas ce soir. Ce soir, tu trouves tout ça ennuyeux. Le garçon continue d’essayer de te raconter des inepties. Tu prétextes l’envie pressante d’aller au petit coin. Tu feras en sorte de ne plus croiser son regard.
Tu continues d’errer au milieu des fêtards, tu t’ennuies de plus en plus et puis tu te mets à penser à Lui. Lui, c’est ce garçon qui t’a brisé le cœur. Des images traversent ton esprit troublé par l’ennui et le chablis. Le peu de lucidité qu’il te reste te met en garde. Tu sais que tu ne dois pas penser à Lui. C’est un connard. Tu n’as rien à faire avec ce type.
Tu essayes de te convaincre de cette phrase dictée par tes copines : « Tu devrais t’estimer heureuse de ne plus être avec ce mec« . Tu bois de plus en plus. C’est de moins en moins un connard. Tu revois des images déformées. Tu le trouves sublime et brillant. Tu es convaincue qu’il te manque, que tout serait mieux avec Lui. Tu vas même jusqu’à te convaincre qu’il doit être en train de penser à toi à cet instant précis. Tu perds pied et ton discernement.
Alors, persuadée de ta logique, tu prends ton téléphone pour lui envoyer un message. Tu es absolument convaincue que c’est une excellente idée. Tu n’entends même plus la musique et les bruits autour de toi. Tu écris frénétiquement. Tu t’emballes. Tu appuies sur la touche « envoyer« . Tu te sens bizarrement bien.
Tu vas voir Zee pour lui dire que tu rentres. Tu arrives chez toi. Ta tête tourne. Tu ne te sens pas bien. Tu as trop bu. Tu te mets au lit. Tu essayes de t’endormir. Tu as envie de vomir. Tu veux juste t’endormir. Que tout cesse de tourner. Fixer un point. Fermer les yeux. Ne pas penser à la nausée. S’endormir. Tu finis par y arriver.
Tu ouvres les yeux, il est 9 heures, ton mascara a coulé sur ton oreiller et tu as l’impression d’avoir une machine à laver dans la tête. Tu cherches désespérément une bouteille d’eau sur la table de nuit. Tu te lèves pour sortir de ton lit… et là ça te revient!
Tu as envoyé un message piteux à une heure indue de la nuit. Tu espères que ça soit un cauchemar. Tu prends ton téléphone. Tu as effectivement commis cette absurdité. Tu relis le message. Il y a de longues phrases, des points de suspension et des tournures que ton cerveau au ralenti a dû trouver cohérentes.
En clair, il manque deux verbes. Ça n’a ni queue ni tête. Mais quelle honte ! Comment tu as pu écrire un truc pareil ? Comment tu as pu envoyer un truc pareil ? Comment tu as pu croire que c’était une super idée ?
Le message a été lu. Et, bien évidemment, il n’y a pas eu de réponse. Tu traînes ta gueule de bois et ton immense honte jusqu’à la cuisine pour te faire un café. Tu as fait une bêtise hier, elle viendra allonger la longue liste de tes regrets. Le pire, c’est que tu recommenceras sûrement.