Wang Chuanfu, 51 ans, 5,5 milliards de dollars, a foulé le sol africain pour la première fois cette semaine. Le patron de BYD, sérieux concurrent de la Tesla d’Elon Musk, a passé 24 heures au Maroc, à Casablanca, pour signer, le 9 décembre, devant le roi, un protocole d’accord pour la création d’un « écosystème de transport électrique » dans la future cité industrielle Mohammed VI de Tanger. Pourquoi et comment celui qui est décrit comme une combinaison de “Thomas Edison et Jack Welch” par le principal associé de Warren Buffet, s’intéresse-t-il au petit royaume chérifien ? C’est d’autant plus surprenant que Wang Chuanfu, hyper-connecté au Parti communiste chinois (PCC), règne en maître sur le business des voitures électriques à Shenzhen, une petite ville chinoise de près de 12 millions d’habitants. BYD, c’est aussi 30% de parts de marché en Chine, 13% dans le monde. Alors, le Maroc à côté…
Il est vrai que sous la somptueuse coupole du palais royal de Casablanca, travaillée de boiseries, avec ce magnifique bleu glacier rehaussé d’or, on en viendrait presque à oublier la petite taille du pays où nous vivons. Mais avant l’accueil fastueux réservé à cet hôte chinois, il y a eu un travail de fond réalisé par le Maroc. D’abord, la visite du souverain en Chine en mai 2016 — et une poignée de main avec le président —, qui a fait du Maroc un pays fréquentable pour ceux qui s’alignent sur les desiderata du PCC, soit tout le secteur privé chinois. La diplomatie du souverain a ouvert la voie, les équipes du ministère de l’Industrie ont fait le reste. La première fois que Wang Chuanfu les reçoit, il les écoute par politesse, pas franchement intéressé. Il a fallu trouver les bons arguments — si nous voulons être sérieux, les incitations fiscales seules n’auraient pas suffi — et les talents de deal maker de Moulay Hafid Elalamy ont dû y être pour beaucoup. Aujourd’hui, le ministre trouve qu’il y a eu surmédiatisation de sa personne. Dans un pays où il ne fait pas bon briller, on comprend ses réserves. Mais il remporte un succès, il faut l’écrire.
Car, concrètement, BYD ce ne sont pas seulement des emplois et un investissement apportés par un troisième constructeur automobile, après Renault et PSA Peugeot Citroën. C’est aussi et surtout une ouverture sur l’avenir, sur les nouvelles technologies de mobilité. D’autant que certains constructeurs ont déjà annoncé leur volonté de passer au tout électrique ou hybride, comme Volvo par exemple. Que d’importantes capitales ne rouleront plus qu’en électrique. “BYD, ce n’est pas juste signifiant pour le secteur automobile marocain, c’est aussi la transition vers la société post-carbone”, souligne un proche des négociations. Nous avons là une excellente raison d’être optimistes, ne boudons pas notre plaisir.