Le Maroc a essayé d’empêcher les représentants de la RASD de participer au sommet UA-UE qui s’est tenu cette semaine à Abidjan. L’entité présidée par Brahim Ghali est membre de l’UA, que le Maroc a rejoint en janvier dernier, mais n’est pas reconnue par les Européens. C’est donc l’instance africaine qui a dû trancher. Et sans grande surprise, elle ne pouvait exclure un de ses membres malgré les manœuvres marocaines. Mohammed VI aurait pu bouder ce sommet, dont le contenu multilatéral n’est franchement pas transcendant. Il aurait pu faire ce que nous faisons de mieux chez nous : nous offusquer pour des symboles. “Moi, siéger dans une même salle que cette fantomatique, chimérique et fantoche RASD ? Jamais !”, aurait pu penser le souverain. Heureusement pour le Maroc, la stratégie l’a emporté sur le symbole.
Beaucoup ont été heurtés par le premier cliché où l’on voit le roi à quelques rangs de Brahim Ghali. Même si ce n’est pas la première fois que Mohammed VI se trouve dans la même salle que les représentants de la RASD — c’était déjà le cas à Addis-Abeba en janvier. Mais vu d’Abidjan où se tenait le sommet, ce cliché est anecdotique. Ce qui l’est moins, c’est la place qu’a occupée le Maroc et le rôle qu’il a joué. Pour les symboles, l’accueil réservé par les Ivoiriens à Mohammed VI a été unique. Aucun chef d’Etat n’a bénéficié des mêmes égards. Dans le protocole, dans l’importance de la délégation. Lors de l’ouverture du sommet, le roi a siégé près du secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, alors que les autres chefs d’Etat étaient assis par ordre alphabétique. A chacune de leurs allocutions, les représentant africains commençaient par saluer “Sa Majesté”. Mohammed VI faisait aussi partie des quatre chefs d’Etat à présider une session thématique, le seul à parler au nom de l’Afrique du Nord. Bref, si l’égo des Marocains avait besoin d’être ménagé, nous pouvons attester qu’il l’a été.
Sur le fond maintenant, la stratégie de Mohammed VI contribue réellement à affaiblir la présence de la RASD. Il a même réussi à éclipser la machine diplomatique algérienne. L’alliance du Polisario avec nos voisins de l’est dépasse d’ailleurs tout ce que l’on peut imaginer, et dans ce type de sommet elle s’affiche sans ambages. Les mines de ces deux délégations étaient déconfites. Mohammed VI, en plus d’avoir une complicité affichée avec de nombreux chefs d’Etat — dont Emmanuel Macron —, a reçu en bilatérale le président sud-africain, soutien majeur du Polisario. Une première pour les deux pays qui n’ont plus de contacts diplomatiques depuis plus de dix ans. Les deux hommes ont convenu d’ouvrir un nouveau chapitre dans leurs relations. Avec le président angolais, autre soutien du Polisario, une visite de João Lourenço au Maroc a même été actée. Mohammed VI avance ses pions, doucement mais sûrement. Il reprendra son bâton de pèlerin en 2018, cap sur l’Afrique australe, avec toujours le même but ultime : exclure la RASD de l’UA, la seule organisation internationale à accorder un statut d’Etat membre à cette entité. Ce n’est pas encore gagné.
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