C’est la fin du monde. L’apocalypse. L’Italie ne s’est pas qualifiée pour le Mondial. Les ténèbres. L’enfer. Suivre une Coupe du Monde sans la squadra azzurra, c’est comme vivre dans un monde sans cinéma, sans dramaturgie. Un monde déterministe où les résultats sont connus d’avance, où les favoris l’emportent à la fin. Du foot sans surprise, sans théâtralité, sans piment. Comme tant d’autres Marocains, j’ai passé mon adolescence à suivre le Calcio sur 2M cryptée sur fond de voix de Karim Dronet et Lino Bacco. Au point d’en arriver à se délecter des matchs nuls 0-0, ou de considérer que les meilleures victoires sont celles qui s’arrachent par 1-0, avec un but volé à la 76e minute, marqué de l’épaule par un obscur attaquant de Série A qu’aucun de ceux qui ont découvert le foot avec Messi et Ronaldo ne peuvent connaître. Ce jeu austère mais efficace, cet esprit de centurions romains, est en fait une philosophie de vie, la conviction qu’au foot comme dans la vie rien n’est joué d’avance. Que la défense est le meilleur moyen d’attaquer et que si l’exhibition du talent plaît aux masses, l’histoire, elle, ne retient que les résultats. Sauf que cette vision du monde s’est écroulée en une soirée, sous le coup d’un catenaccio suédois qui n’a rien laissé passer. L’arroseur arrosé. Alors, bien sûr, on va suivre ce Mondial russe. Mais ce sera un plat froid. Sans aglio. Sans olio. Un plat fade, sans saveur, que seul un quart de finale des Lions de l’Atlas contre la France achevé à 0-0 et gagné par les Marocains aux pénaltys pourra un peu rehausser.