Zakaria Boualem a vu passer une étonnante information la semaine dernière, mais il a fait comme s’il n’avait rien remarqué. Un peu déstabilisé par l’importance du sujet, le Guercifi s’est dit dans un premier temps qu’il avait dû mal comprendre. Il a donc attendu quelques jours, puis il a relu aujourd’hui l’extraordinaire dépêche de la MAP, l’esprit apaisé et l’œil vif. Il a aussitôt basculé dans l’angoisse. La voici, sans plus attendre : “Le Chef du gouvernement, Saâd-Eddine El Othmani, a annoncé la création prochaine d’une commission comprenant plusieurs dé- partements gouvernementaux afin de donner des avis et formuler des idées au sujet de la révision du modèle de développement adopté par le Maroc”. Il faut sauter une ligne, les amis, pour digérer l’impact des quelques mots qui précèdent.
Avant d’aller plus loin, l’honnêteté m’oblige à vous préciser que Zakaria Boualem ne comprend rien à l’économie. Il est tellement incompétent qu’il n’a jamais réussi à en faire, des économies. Voilà pourquoi il a toujours fait confiance à nos glorieux spécialistes, ceux qui lui ont toujours expliqué avec enthousiasme combien notre modèle était brillant, comment il nous garantissait les lumières de la félicité et l’édification à vive allure du MarocModernesarl. Certes, il lui est déjà arrivé de douter, le bougre. A la vue de la masse spectaculaire des laissés-pour-compte de ce puissant modèle, et partant du constat général que le projet collectif de cette génération est de mettre les voiles, ou au moins de placer un passeport alternatif dans sa poche, il a traversé des moments de questionnement. Qu’il a aussitôt placés sur le compte de son esprit négatif. Et voilà qu’aujourd’hui, en toute décontraction, on lui explique qu’on va créer une commission pour réviser ce modèle. Oui, une commission, comme si une quelconque commission avait déjà réglé un problème chez nous. Il est important de signaler que ceux qui sont chargés aujourd’hui de trouver un nouveau modèle sont les mêmes que ceux qui nous expliquaient hier que l’ancien était très bien al hamdoulillah, et qu’il fallait être un abominable nihiliste pour oser saper le moral de la nation en affirmant le contraire. Passons, l’heure n’est pas à la mesquinerie. C’est que le problème n’est pas simple, les amis. Quand on fait des recherches sur les “modèles économiques” sur le Web, on tombe sur des choses comme le modèle social-démocrate, le modèle scandinave, le modèle keynésien, des concepts que notre héros n’a pas très bien saisis mais qui ont l’air assez costauds. Il semble peu probable que cette commission soit en mesure de nous pondre quelque chose de cette envergure dans des délais raisonnables. C’est que nous sommes en panne d’idées, en vérité. Collectivement, nous produisons assez peu de concepts brillants depuis quelques années, allez savoir pourquoi. Ne vous vexez pas, c’est valable pour tout le monde : Zakaria Boualem n’est pas plus inspiré que les autres. Arrivé à ce point de la réflexion, qui ressemble fort à une impasse, le Guercifi est tombé sur cette nouvelle information, lue dans un organe de presse respectable : “La commission interministérielle sur l’eau accouche d’une nouvelle commission”. Il faut sauter à nouveau une ligne, c’est un peu trapu à digérer.
Bon. Donc les commissions se reproduisent comme des organismes vivants, ça commence à ressembler à un film d’horreur, les amis. Parce que si ces commissions accouchent de commissions qui proposent des conclusions qui doivent être révisées par d’autres commissions, qui elles-mêmes splitent en sous-commissions quand on se rend compte que ça ne marche pas, il ne faut pas être un génie pour comprendre que nous allons sombrer dans les abysses, emportés par cette avalanche. Ce n’est pas de l’économie, ça, c’est juste des suites mathématiques. Devant cette perspective abominable, et sachant que nous ne disposons d’aucune espèce de modèle économique à proposer tout de suite, il est plus sage d’arrêter de ré- fléchir pour se consacrer à l’essentiel : la préparation du match contre la Côte d’Ivoire, et merci.