A entendre certains, la CGEM ne servirait à rien. Elle est même cantonnée à un rôle de machine évènementielle, tout juste bonne à organiser des forums d’affaires au gré des demandes du cabinet royal, afin de s’aligner sur des objectifs diplomatiques ou des intérêts politiques. Il y a à coup sûr du vrai dans ce qui est décrié, mais les choses sont plus compliquées. Les théories qui circulent dans le petit monde fermé des grands patrons montrent que le devenir du patronat intéresse. Plus précisément celui de sa présidence. Et s’il intéresse, c’est qu’enjeu il y a. Miriem Bensalah-Chaqroun brigue-t-elle un troisième mandat alors que les statuts de la confédération ne le permettent pas aujourd’hui ? “Jamais de la vie”, répond sa garde rapprochée. Alors qui pour la remplacer ? Des noms circulent, comme ceux de Hammad Kassal, ex-président de la Fédération de la PME, Abdelilah Hifdi, président de la Fédération nationale des transports, ou encore Khalida Azbane, DG du groupe éponyme. Au delà des personnes, ce qui devrait être attendu pour mai prochain — date à laquelle la présidence du patronat devrait changer — c’est une vraie confrontation de programmes, une compétition entre candidats indépendants, et non pas l’attente d’un signal d’en haut.
Pour l’heure, on en est loin, le flou est total alors que les enjeux sont réels. Le patronat a désormais sa place à la Chambre des conseillers et les patrons les plus puissants du pays peuvent étendre leur cercle d’influence en y plaçant leurs hommes. Rien de plus normal. Personne ne va feindre de découvrir que la CGEM défend déjà les intérêts des puissants, ce sont eux qui cotisent et, il faut le reconnaître, ce sont aussi eux qui ont les propositions les plus sérieuses. Un membre influent du syndicat nous confiait que du côté des TPE/PME, il y a parfois des mesures demandées que la CGEM ne peut raisonnablement pas porter. Certains arguent que la présidente actuelle défend assez les PME, ces entités qui font l’essentiel du tissu économique du pays. Comme quand elle a dénoncé auprès du Chef du gouvernement la concurrence déloyale faite par l’OFPPT aux entreprises qui fabriquaient les tables pour écoliers — l’Office faisant travailler quasi gratuitement une main d’œuvre à cet effet.
Tout cela est pourtant secondaire quand il s’agit de dresser le bilan du patronat marocain. Ce qui l’est moins, c’est l’échec de la CGEM à défendre fondamentalement les intérêts de l’économie marocaine. Elle est inaudible, voire absente, sur des débats de fond comme la lutte contre l’économie de rente, à travers l’accès au foncier par exemple. Dans un pays où la loi ne s’applique pas à tous de la même manière, l’entreprise est forcément pénalisée. Et sur cela, la CGEM ne milite pas assez. Quelles propositions apporte-t-elle sur l’obsolescence de notre modèle économique, pourtant décrié à maintes reprises par des institutions étatiques comme le CESE, la Cour des comptes et la banque centrale ? Soit la CGEM n’est qu’un club de grands patrons ne défendant que leurs intérêts, et ce faisant ils s’alignent automatiquement sur ceux du pouvoir. Ou la CGEM a une vocation plus importante, dont celle d’assurer une meilleure représentativité des petites entreprises, qui sont le moteur de l’emploi. Dans ce cas, l’institutionnalisation du patronat doit sérieusement être étudiée