Zakaria Boualem et les patriotes américains

Par Réda Allali

Dans une optique de benchmark international, Zakaria Boualem a décidé, après une rapide consultation avec lui-même, de consacrer cette chronique à l’actualité américaine, un peu d’ambition ne peut pas faire de mal. Oui, les amis, l’observatoire penché de la construction du MarocModernsarl n’a peur de rien, qu’on se le dise. L’affaire dont il est question aujourd’hui commence le jour où une star du football américain décide de poser un genou à terre pendant l’hymne national, au lieu du traditionnel garde-à-vous. Il entendait ainsi protester contre le racisme à l’encontre de la communauté noire, en particulier de la part des forces de police. Inutile de décrire les détails de ce racisme, tout est abondamment documenté et un simple petit tour des actualités devrait vous convaincre de la réalité de ce triste constat. On se demande d’ailleurs comment un problème aussi moyenâgeux peut subsister aujourd’hui, c’est un peu déprimant pour l’avenir de l’humanité. Mais le sujet n’est pas là. Le footballeur est imité par d’autres footballeurs, et c’est là que le président Donald entre en scène. Avec le sens de la mesure qu’on lui connaît, il propose de “virer ces fils de putes”, c’est le vocable utilisé, désolé pour la bienséance. On se demande aussi comment un tel bonhomme a fini président, c’est aussi déprimant quand on y réfléchit un peu, mais il faut avancer dans le récit.

L’homme à la mèche folle reproche aux sportifs grognons de ne pas respecter le drapeau, et l’affaire s’emballe aussitôt à grande vitesse. Les rebelles sont aussitôt rejoints par les dirigeants des clubs, d’autres sportifs, des musiciens, des acteurs, c’est un raz-de-marée. Bien évidemment, ils sont aussitôt contre-attaqués par des patriotes, sous l’angle du manque de déférence pour une sacralité locale, la bannière étoilée. Ces derniers ne parlent pas de racisme, d’ailleurs, ou du problème de fond, mais uniquement du drapeau. Normalement, ça devrait vous rappeler quelque chose, inutile d’insister. Ils sont comme ça, les patriotes, un genou à terre les choque plus qu’une balle dans la tête. Ils se demandent pourquoi les footballeurs protestent ainsi, ou pourquoi maintenant, ou pourquoi ils protestent tout court, alors qu’ils sont très riches. Ils leur demandent d’aller voir ailleurs s’ils ne sont pas contents, parce que c’est bien pire évidemment, ils expliquent même que ces types sont inintéressants à voir jouer, que le niveau baisse, etc.

Bref, la formule classique qui consiste à noyer le poisson en sortant les yeux, on la connaît par cœur chez nous, elle sort du placard à chaque vague de protestations. Les patriotes contre les traîtres, les supporters de l’existant contre les rebelles, donc , l ‘affrontement éternel . Mais la version américaine est bien plus spectaculaire à observer, ils sont forts les bougres. Il y a du casting, de la répartie, de la vidéo et des infographies, la grande histoire de l’Amérique est convoquée, le tout sur les réseaux sociaux, à l’air libre. Des musiciens répondent à des sénateurs, des mamans à des présidents, les insultes fusent, ça part dans tous les sens, tout le monde s’est énervé d’un seul coup. Zakaria Boualem suit cette affaire de très près, il faut que les Américains le sachent. On avait reproché à Bush d’avoir déclenché une guerre loin de chez lui par cynisme, on a maintenant Donald qui va en déclencher une chez lui par inadvertance, voilà où nous en sommes. On imagine ce qui se serait passé si Twitter avait existé en 1967, quand Mohamed Ali, convoqué pour aller au Vietnam, avait refusé en déclarant : “Ma conscience ne me laissera pas aller tuer mes frères ou de pauvres gens affamés dans la boue pour la grande et puissante Amérique… Les tuer pourquoi ? Ils ne m’ont jamais appelé nègre, ils ne m’ont jamais lynché, ils n’ont jamais lâché les chiens sur moi”. On ne parle pas d’un genou à terre, les amis, on est dans une autre dimension.

Voilà, c’est la première fois que Zakaria Boualem parle de football américain et de boxe, il n’est pas évident qu’il s’agisse là d’un progrès. C’est tout pour la semaine, et merci.