Zakaria Boualem et le cas de Silya Ziani

Par Réda Allali

Salut à vous, les amis. Zakaria Boualem espère vous trouver souriants, détendus et souples sur vos appuis en cette période de chaleur estivale. Il lui faut pourtant vous entretenir d’un sujet qui le chiffonne un peu, au risque de vous agacer alors que vous déambulez en short l’esprit guilleret. Vous le savez sans doute, notre littérature officielle déborde de textes enthousiastes qui présentent la jeunesse comme « pleinement engagée dans le processus de développement de son pays », et « mobilisée autour du projet édificateur d’un Maroc moderne et prospère » où elle est amenée à occuper une « place de choix, en vue de bâtir un avenir meilleur ».

Relisez la belle phrase précédente en pensant à Silya, la jeune musicienne emprisonnée depuis plusieurs semaines pour avoir participé aux manifestations d’Al Hoceïma. Alors qu’elle pensait elle aussi naïvement « s’engager pour un Maroc Moderne », elle se retrouve accusée d’atteinte à la sûreté de l’Etat, ce n’est pas rien.

Quand on parle de ce genre de délit, on imagine des terroristes terrés dans un sous-sol, préparant leur ignoble méfait avec la délectation sombre qui est le monopole des illuminés, on imagine un groupe armé clandestin, ou des espions qui évoluent sous une triple identité, formés par nos ennemis jaloux et capables de transformer un smartphone en lance-roquette. Mais, désolé, on n’imagine pas cette jeune femme, même en essayant très fort. Zakaria Boualem se demande comment on en est arrivé à cet acharnement, puisque même notre Chef de gouvernement a avoué que les accusations de séparatisme étaient une « erreur ».

Si vous lui répondez en évoquant l’indépendance de la justice, c’est que vous êtes dans un tel état d’anesthésie qu’on ne peut que vous envier. La demoiselle est dans un état critique, elle se demande ce qui lui est tombé sur la tête, c’est affreux. Elle ne savait pas que notre système ne supportait pas le concept d’une personne à la fois grognon et charismatique, elle a pris notre littérature officielle au pied de la lettre.

Au final, les dégâts sont terribles. Pas seulement pour elle, ni même pour l’image du Maroc (ça, c’est réservé aux films ou aux bisous intempestifs), mais pour toute une jeunesse qui découvre que rien n’a changé, qui perd peu à peu confiance, et qui finit par développer le sentiment dangereux d’être un étranger dans son propre pays.

Mais Silya n’est pas seule. Entre les détentions préventives, les gardes à vue et ceux qui attendent leur procès en liberté, ils sont plus de 228 habitants d’Al Hoceïma à avoir de gros problèmes avec les autorités. Rapporté à la population de la ville, c’est un chiffre prodigieux. Si on appliquait la même proportion à Casablanca, on aurait quelque chose comme 20 000 grognons poursuivis, imaginez l’impact sur la ville. Vous connaissez Zakaria Boualem, loin de lui l’idée de s’immiscer dans les affaires du pays, mais il voudrait juste suggérer qu’on lève un peu le pied sur cette affaire, qu’on laisse ces gens tranquilles et qu’on cherche d’autres manières de régler le problème, et merci.

Et pour terminer cette page sur une note moins déprimante, histoire de respecter la vocation de légèreté de cette chronique, Zakaria Boualem va vous lister sans plus attendre des informations profondément absurdes, mais qui ne nous concernent pas, al hamdoulillah. En Chine, le dessin animé Winnie l’Ourson a été censuré à cause de sa ressemblance avec le chef de l’Etat.

En Autriche, 7.000 poules ont bloqué l’autoroute, générant un bouchon de 14 kilomètres (elles s’étaient échappées d’un chargement). Pendant ce temps, un brave Californien a avalé 72 hotdogs en 10 minutes et un policier japonais a avoué posséder 5.000 objets à l’effigie de son idole, Hello Kitty. C’est tout pour la semaine, et merci.