Tout est devenu très confus, les amis, il faut bien l’avouer. Zakaria Boualem, qui pensait avoir tout vu depuis le temps qu’il commente nos convulsions collectives dans les pages de cet estimable magazine, est un peu perturbé. Il y a eu pour commencer cette affreuse vidéo où l’on voit le leader du Hirak se dénuder pour prouver à l’opinion publique qu’il n’avait pas été maltraité. Sans un mot, il s’exhibe, c’est un moment d’humiliation affreusement embarrassant. Oui, nos responsables ont pensé que c’était une bonne idée que celle de rabaisser un détenu pour prouver qu’il n’avait pas été maltraité, c’est vous dire dans quelle estime ils tiennent les citoyens. C’est un peu effrayant, si on y réfléchit bien, de se dire que nous vivons dans des réalités parallèles. Passons. Suite aux grognements sur les réseaux sociaux, l’administration pénitentiaire s’est fendue d’un communiqué pour expliquer qu’elle n’y était pour rien, qu’elle n’avait pas la moindre idée de l’endroit où cette vidéo avait été filmée (ils auraient pu le demander à l’intéressé directement, qu’ils ont en l’occurrence sous la main, mais il semble que personne n’ait pensé à cette solution). On pourrait rigoler en se disant que c’est encore notre ami, l’illustre Abdeljabbar Majhoul, qui a frappé, mais Zakaria Boualem n’est pas d’humeur taquine.
Nous avons également notre ministre de la Justice qui envoie des SMS d’excuses aux personnalités victimes de la vague de zerouatification en cours actuellement. Elle aussi déclenchée par le même Abdeljabbar Majhoul, sans doute, et on va arrêter avec cette plaisanterie parce qu’elle devient très angoissante. On ne sait plus très bien qui prend les décisions chez nous, et si ces gens se concertent entre eux. Il règne une ambiance très étrange qui donne l’impression que tout le monde se débine à vive allure. Continuons la liste. Rappelez-vous que notre Chef de gouvernement avait avoué que les accusations de séparatisme lancées à la face des manifestants d’Al Hoceïma étaient une erreur, et il se trouve qu’ils sont justement sous les verrous, poursuivis pour ce délit. Il y a de quoi se poser des questions, non ? Zakaria Boualem, qui a passé suffisamment de temps dans notre paisible contrée pour avoir une définition exigeante du concept d’incohérence, se demande aujourd’hui s’il ne faut pas inventer un mot plus fort. Nos responsables sont capables d’annoncer le retrait des forces de l’ordre du centre-ville d’Al Hoceïma le mardi et de matraquer allègrement des manifestants dans le centre-ville de Rabat le samedi, ils sont capables d’entrer chez les gens en défonçant tout, puis de nous expliquer qu’ils vont réparer les portes, ils peuvent nous annoncer l’arrestation d’un type avec 170 millions de dirhams en cash, puis en fait non, ou peut-être, enfin on ne sait plus trop… C’est épuisant.
Tout le monde tient des discours d’opposition, même les gens qui sont censés être aux commandes. On ne sait pas trop où ils veulent en venir, et encore moins comment. Il est d’ailleurs étonnant de constater que leurs changements d’humeur incessants compliquent la vie à leurs supporters les plus ardents, qui ont beaucoup de mal à défendre leurs initiatives aujourd’hui (les pauvres). Et quand tout se complique, quand tout le monde s’énerve, on nous annonce une enquête diligentée ou une commission penchée qui sombre aussitôt dans l’oubli. Pourquoi avons-nous l’impression de faire sans cesse les mêmes erreurs ? Qu’est-ce qui se passe chez nous ? Zakaria Boualem vous laisse réfléchir à ces questions angoissantes, et il doit vous faire un aveu dans la foulée. Il avait en effet prévu un petit chapitre sur la dévaluation du dirham, il semble qu’il s’agisse de quelque chose de très important. Mais il se trouve qu’il n’a rien compris, ce n’est pas faute d’avoir essayé. Il ne va donc pas en parler, il y a des limites à l’imposture. C’est donc sans plus attendre qu’il va vous souhaiter une bonne fin de journée, et merci