Au lieu de faire comme tout le monde et de se lancer à la poursuite de l’amélioration exclusive de leurs sorts personnels respectifs, ils ont décidé, pour une raison inconnue, de s’intéresser à la chose publique. Ils ont donc constitué une association qui, de l’avis des experts, produit des documents de fort bonne facture au sujet de notre vie politique. Un peu dépités par l’existant et horrifiés par notre immobilisme, ils ont poursuivi leur effort en organisant une conférence publique intitulée avec candeur “Qu’est-ce qu’une monarchie parlementaire ?”. Des experts internationaux y étaient invités pour présenter leur expérience et déployer à l’air libre la puissance de leur culture politique, ça promettait beaucoup. Il était même question, tenez-vous bien, de “transposer le modèle scandinave” chez nous, imaginez un peu l’ambition du propos. Nos autorités ont réagi avec enthousiasme en interdisant cette réunion, et merci. C’est la fin de l’histoire, à moins que ce ne soit que la suite de l’histoire que nous connaissons déjà.
Certains tristes sires ont ironisé en notant qu’il était un peu étrange de voir une monarchie parlementaire interdire un séminaire sur la monarchie parlementaire, c’est bien la preuve qu’ils n’ont rien compris du tout. Si les autorités ont interdit la manifestation, c’est parce qu’elle est inutile. Imagine-t-on un séminaire sur “la libération des jeux de hasard” organisé à Las Vegas par exemple ? Il s’agissait d’une perte de temps et notre système n’aime pas voir nos jeunes gens perdre leur temps : nous avons un MarocModerneSARL à construire, il faut avancer à vive allure sans se perdre dans des batailles inutiles, voilà la vérité. Avançons, donc, et saluons cette interview de Yiannos Trisokkas publiée dans Le Matin du Sahara. Vous ne connaissez pas Yiannos Trisokkas ?C’est une erreur, les amis, car il est “expert international en matière de résidence et de citoyenneté”, on se demande bien comment on en arrive à ce genre de position. S’exprimant sans retenue dans les colonnes du plus grand quotidien patriote du pays, il déclare en toute décontraction, que “l’acquisition d’une deuxième citoyenneté est un investissement judicieux pour assurer l’avenir de son entreprise et de sa famille”. Autrement dit, ce Chypriote inspiré est venu nous expliquer qu’il nous fallait un deuxième passeport, c’est une grande découverte. Ils auraient pu interviewer n’importe quel Marocain, il aurait dit la même chose, et sans doute encore plus clairement. Mais cet homme va plus loin, il nous donne la technique pour réaliser ce beau projet : pour avoir la nationalité chypriote, il suffit de 6 mois de démarches administratives et d’un investissement immobilier de 200 000 euros. Ya salam. Il est donc clair que cet article est une sorte de promo pour le passeport chypriote, il faut maintenant comprendre les raisons de cette démarche. Cette contrée est-elle dépeuplée ou victime d’une sorte d’ennui épouvantable ? Sont-ils à ce point fauchés qu’ils souhaitent siphonner l’épargne de nos ménages à coups de passeports vendus à 200 000 euros ? Et pourquoi Le Matin participe-t-il à cette campagne, lui qui consacre de longues pages à la fierté d’être marocain et à la gloire de notre paisible contrée ? Veut-il lui aussi nous voir dégager à vive allure vers cette île méditerranéenne ? A quand les spots publicitaires après le ftour du ramadan et les cours de chypriote à chaque coin de rue ? Et enfin, est-il légal d’acheter un appartement de 200 000 euros à Nicosie ?
C’est un Zakaria Boualem des plus perplexes qui vous laisse réfléchir à cette affaire, et qui vous souhaite une bonne semaine. Pour sa part, il va de ce pas contacter ce bon Yiannos Trisokkas pour lui demander de lui faire un prix, il se sent déjà un peu chypriote, le Guercifi.