Le rapport annuel du secrétaire général de l’ONU sur le Sahara a été distribué le 10 avril aux 15 membres du Conseil de sécurité. Cette version avancée du rapport d’Antonio Guterres, qui n’a pas fait l’objet d’une publication officielle, devait initialement être remise au Conseil le 7 avril, mais son rendu a été reporté en raison de la tenue d’une réunion d’urgence consacrée à la Syrie le même jour.
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Dans son rapport annuel, il recommande la prorogation du mandat de la Minurso au 30 avril 2018, Antonio Guterres affirme qu’un « monitoring indépendant, impartial et exhaustif » des droits de l’Homme au « Sahara occidental et dans les camps de réfugiés » est « requis« . « La question de la surveillance des droits de l’Homme est à distinguer du débat sur l’élargissement du mandat de la Minurso, » analyse une source diplomatique marocaine. Il explique : « Le rapport ne parle pas d’un mécanisme quelconque de surveillance. Il parle d’une appréciation indépendante des droits de l’homme. C’est donc une appréciation externe de la situation. Il y a des mécanismes nationaux qui font leur travail aux côtés d’autres appréciations externes, c’est ce que le Maroc fait depuis des années. En tant qu’État-partie à des accords internationaux, le Maroc a reçu plusieurs procédures ou rapporteurs spéciaux. C’est le cas sur le handicap, la torture, le logement, l’environnement… Le mois prochain, par exemple, nous aurons notre Examen périodique universel (UPR) du Haut-commissariat pour les droits de l’Homme. L’examen a lieu au Maroc en général, à Oujda, à Fès, comme à Laayoune. »
Soyons réalistes
Le secrétaire général de l’ONU annonce en outre son intention « de relancer le processus de négociation avec une nouvelle dynamique » tout en précisant que « l’Algérie et la Mauritanie, en tant que pays voisins, doivent contribuer à ce processus ». « Le terme anglais employé pour la contribution des pays voisins est ‘should’. Ils ‘devraient’ contribuer. C’est non seulement une obligation, mais la nature de cette contribution doit en plus être à la mesure de l’implication de l’État voisin concerné. Ça veut dire que lorsque le sujet concerne l’Algérie, elle doit être autour de la table, et lorsque ça ne la concerne pas, elle doit se mettre en retrait, » comprend notre source. Ce volet était déjà présent dans le rapport précédent sur la Minurso de Ban Ki-moon.
Nouveauté en revanche, au paragraphe 81, le SG « considère les efforts faits depuis 2006« . Que s’est-il passé en 2006 ? « Il y a un avant et un après 2006, une forte évolution. 2006, c’est l’abandon des solutions mécaniques du plan Baker et du plan d’autonomie, et le basculement vers le compromis, » répond le diplomate consulté par Telquel.ma. « À cet esprit de compromis, le SG ajoute la notion de ‘réalisme’. Le ‘réalisme’, c’est cette notion introduite en 2008 par Van Walsum devant le Conseil de sécurité qui note qu’un Sahara occidental indépendant n’était pas une proposition réaliste’. Le rapport signifie donc aussi qu’il faut écarter tout ce qui n’est pas réaliste, » ajoute-t-il.
La confrontation de Guergarat
Dans le chapitre consacré aux « développements récents« , le secrétaire général de l’ONU donne des précisions sur l’intervention marocaine à Guergarat. On sait désormais que « les opérations d’assainissement » conduites au mois d’août dernier ont été menées par un « entrepreneur civil, la Gendarmerie royale et les services des douanes« , note le rapport, citant la diplomatie marocaine. Celle-ci a également indiqué dans ses échanges avec la Minurso et le secrétariat général qu’ « aucun élément de la gendarmerie royale n’a franchi le mur [de sable, NDLR] ».
Selon Antonio Guterres, le Maroc et le Polisario se sont mutuellement accusés de ne pas respecter l’accord militaire numéro un. Ce texte, qui n’a jamais été rendu public, est un accord scellé entre les parties impliquées dans le conflit et l’ONU régissant les agissements militaires dans les provinces du Sud, la zone tampon, ainsi que la zone au-delà du mur. Selon les dispositions du document, aucun élément armé ne doit occuper la zone tampon.
Pour le Maroc, les travaux menés à Guergarat n’ont pas violé l’accord militaire numéro un, car « les opérations de nettoyage et de goudronnage étaient à caractère purement civil« , et avaient pour but « de mettre fin à des activités illicites » et faciliter le transport routier entre le Royaume et la Mauritanie. Le Polisario lui dénonce la présence d’éléments de gendarmerie royale qui, en vertu de la loi marocaine, font partie des forces armées.
Attaques du Polisario
Le rapport, qui se base sur l’observation des fonctionnaires de la Minurso, confirme également les informations selon lesquelles des éléments du Polisario ont empêché des civils affichant des insignes marocains et montrant des cartes incluant les provinces du Sud de traverser Guergarat. « À plusieurs occasions, la Minurso a observé des dégâts causés à certains véhicules dont les conducteurs avaient ignoré les appels des éléments du Front Polisario et avaient été contraints de retirer les insignes marocains. Les dégâts en question incluent des vitres cassées par des pierres jetées par des éléments du Front Polisario, ainsi que des éraflures », peut-on lire dans le rapport d’Antonio Guterres. Celui-ci révèle également que les membres armés du Polisario présents à Guergarat se sont présentés comme des éléments de la « Gendarmerie nationale« .
Le secrétaire général de l’ONU rappelle aussi que le Maroc a « annoncé son retrait unilatéral de la zone tampon« . Antonio Guterres révèle que le Royaume avait « initialement » conditionné ce retrait à celui des éléments du Polisario ainsi que la certitude de pouvoir terminer les travaux entamés à Guergarat. Le chef de l’ONU signale également que le Polisario continue à bloquer la circulation aux véhicules arborant des insignes marocains et « demande au Conseil de sécurité d’exhorter le Front Polisario de se retirer aussi de la zone tampon à Guergarat, de manière complète et inconditionnelle« .
« C’est un des éléments les plus importants pour nous. Le Polisario avait l’air de penser que le problème à la frontière mauritanienne était un problème avec le Maroc. Ça devient en fait un problème entre lui et le SG d’une part, et ça va devenir un problème entre lui et le Conseil de sécurité. C’est la confirmation que sa présence dans la zone est une violation de l’accord de cessez-le-feu et une menace inacceptable à la stabilité régionale », indique encore un diplomate marocain.
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La démission de Christopher Ross
Le rapport d’Antonio Guterres confirme l’information selon laquelle le Maroc a autorisé le retour de 17 membres du personnel de la Minurso. Un retour qui fait suite à des démarches entamées par le secrétariat général de l’ONU auprès du Maroc durant le mois de mars. Le rapport rappelle également qu’un accord conclu le 12 juin 2016 a permis le retour de 25 membres du personnel de la mission onusienne. Sachant que 28 membres du staff de la Minurso étaient restés à Laâyoune, selon le rapport sur la mission onusienne publié par l’ancien secrétaire général Ban Ki-Moon en 2016, cela signifie que 70 des 84 membres du personnel de la mission poursuivront leur mission au Maroc.
Autre information confirmée par le rapport, celle de la démission de Christopher Ross, envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara. « L’Envoyé personnel m’a envoyé une lettre datée du 23 janvier dans laquelle il remet sa démission effective à la date de mon choix« , lit-on.
Le lendemain, un « émissaire marocain » est reçu par Antonio Guterres pour lui annoncer que le « Maroc ne recevrait plus l’envoyé personnel« , tout en assurant que le roi était « disposé à travailler » avec le nouveau secrétaire général dans le but de trouver « une solution au différend du Sahara« . Cette rencontre était restée confidentielle, car elle n’a fait l’objet d’aucune communication, ni côté onusien, ni côté marocain. On apprend son existence par le présent rapport. Alors que l’ancien président allemand Horst Köhler est pressenti pour succéder à Christopher Ross, le rapport ne précise pas si la démission du diplomate américain, qu’il remercie pour son travail en conclusion du rapport, a été acceptée.
Vers une révision de l’accord militaire numéro un ?
Dans la partie « observations et recommandations » de son rapport, Antonio Guterres appelle à une résolution rapide du conflit du Sahara « afin de permettre à la région de faire face aux menaces sécuritaires, aux défis économiques et aux souffrances humaines de manière coordonnée« .
Alors que dans l’édition précédente du rapport Ban Ki-Moon avait interpellé la communauté internationale sur la question de l’exploration et l’exploitation des ressources du Sahara, le rapport d’Antonio Guterres n’en fait aucune mention. « Toutes ces histoires avec l’Europe n’ont même pas une seule ligne dans le rapport. Alors que l’Algérie et le Polisario soutenaient que l’arrêt de la CJUE était un tremblement de terre sur le dossier, c’est bien la preuve qu’il n’y a qu’une seule dépositaire de ce dossier : l’ONU, » déclare une source autorisée de la diplomatie marocaine.
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Le secrétaire général de l’ONU note également qu’au vu de la situation à Guergarat, « des questions se posent quant à l’accord de cessez-le-feu et à l’accord militaire numéro, qui ne concerne que les forces militaires des deux parties, et ne contient aucune provision aux activités civiles« . Selon Guterres, ces activités pourraient « être contraires à l’esprit du cessez-le-feu de 1991« .
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