La tension est redescendue d’un cran, le 26 février, lorsque le ministère des Affaires étrangères marocain a annoncé le « retrait unilatéral » et « immédiat » de la zone de Guergarat, « afin que la demande du Secrétaire général [de l’ONU, NDLR] soit respectée. »
La veille, le 25 février, Antonio Guterres avait en effet fait savoir par son porte-parole qu’il était « profondément préoccupé par l’accroissement des tensions » sur place et appelait « les parties à retirer au plus vite et de manière inconditionnelle tous les éléments armés de la zone tampon, afin de créer un environnement propice à la reprise du dialogue dans le contexte du processus politique mené par les Nations unies« . L’avant-veille, le 24 février, un communiqué du Cabinet royal rapportait que Mohammed VI avait appelé Antonio Guterres pour attirer son attention sur « la situation grave qui sévit dans la région de Guergarat au Sahara marocain, à cause des incursions répétées des éléments armés du Polisario et de leurs actes de provocations« .
Pour sa part, le Front Polisario a estimé dans un communiqué que « la décision marocaine de faire reculer, de quelques centaines de mètres, ses troupes près de Guergarat est de la poudre aux yeux et cache mal le mépris de Rabat pour la légalité internationale (…) ». D’après LeDesk.ma, les séparatistes maintiennent des troupes sur place. La situation reste critique. Selon Médias24, les camionneurs marocains refusant de retirer le drapeau national de leur véhicule sont empêchés, par des éléments du Polisario, de passer vers ce seul point d’accès à la Mauritanie, pour poursuivre leur trajet plus au sud.
Au cœur du problème, une bande de terre de 3 à 5 kilomètres de large, à proximité de la côte atlantique le long de la frontière mauritanienne. Elle est établie comme zone tampon par « l’accord militaire n° 1 » signé par le Maroc et le Polisario pour régir le cessez-le-feu de 1991. Pour lutter « contre la contrebande » dans cette zone surnommée Kandahar, le Maroc avait entamé mi-août la construction d’une route goudronnée au-delà de son mur de défense, la barrière de sable qui marque la frontière du contrôle marocain. Depuis, les séparatistes y multiplient les incursions. Rabat note aussi, dans le communiqué du cabinet royal, que « ces actes se sont préméditamment produits un mois avant le retour du Maroc à l’Union africaine, afin de créer la zizanie et tenter, en vain, de torpiller ce processus« .
Bon élève
Les modalités du retrait marocain n’ont pas été communiquées, mais il a été salué par plusieurs puissances étrangères. Pour une porte-parole de l’Union européenne, c’est « un pas important« . « Toutes les parties doivent respecter les termes du cessez-le-feu et continuer à travailler en faveur de l’intérêt et de la stabilité de la région« , a-t-elle affirmé à la MAP. « Nous saluons la décision marocaine d’un retrait unilatéral de son personnel de la zone tampon de la région de Guergarat en soutien à la demande du Secrétaire général » de l’ONU, a souligné l’ambassade américaine à Rabat dans un communiqué. Idem pour le ministère des Affaires étrangères français et le gouvernement espagnol.
Mais après tout, alors que Rabat dénonce des actes de provocations de la part du Polisario sur la zone, n’était-elle pas elle-même responsable de la situation en goudronnant ce tronçon de route? Selon un document confidentiel de l’ONU cité par l’agence de presse AFP, l’opération marocaine « a été lancée sans avertir au préalable la Minurso contrairement aux exigences de l’accord militaire numéro un ». « Non« , répond une source diplomatique marocaine au Desk.ma qui justifie une « action de nettoyage » qui « n’a pas dérogé » aux contraintes de l’accord militaire numéro 1.
« Le Maroc a notifié l’ONU comme il est d’usage en expliquant ses intentions« , avance la source qui précise que « l’évolution de la situation depuis 1991 dans la zone sahélo-saharienne a changé par ailleurs la donne sécuritaire« . « Notre opération a été menée par la Gendarmerie royale, un corps paramilitaire qui est doté d’un statut de police administrative en zone rurale« , avance la source du Desk.ma. « Aussi, la Gendarmerie royale est intervenue sans armes et strictement dans ce cadre. Elle n’est pas assujettie à l’accord militaire n° 1 qui évoque spécifiquement les FAR, tandis que les éléments du Polisario sont intervenus avec des armes lourdes… des armes d’assaut« , argumente-t-elle encore.
Ainsi, le Maroc fait bonne figure aux yeux de la communauté internationale en respectant à la lettre les recommandations de l’ONU, en dépit de ce que lui coute en interne un retrait qui ne permet pas, pour l’heure, un retour au statu quo. Alors que les relations avec l’ancien Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon étaient délétères depuis sa visite en mars à Tindouf au cours de laquelle, le Sud-coréen avait qualifié d’ »occupation » la présence du Maroc au Sahara, ce nouvel épisode confirme un changement de donne dans les rapports entre le royaume et le plus haut responsable des Nations unies qui a pris ses fonctions en janvier.
Antonio Guterres avait notamment assisté à la réception de Mohammed VI à Addis Abeba, le 29 janvier, à la veille des débats du Sommet de l’Union africaine sur le retour du Maroc. De bon augure pour le Maroc, alors que le mandat de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) doit être prorogé, comme chaque année, en avril.
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