Certains termes ne peuvent même plus être employés pour qualifier la scène politique marocaine, tellement ils sont désormais galvaudés. Mascarade, comédie, duperie… nous sommes même fatigués de les écrire. Nous aurions aimé nous tromper il y a quelques mois, quand il était encore temps d’alerter sur les dangers de la voie qui risquait d’être empruntée. Celle sur laquelle le Maroc est depuis mercredi 5 avril est maintenant claire : la démocratie est un hobby du dimanche, il faut laisser les quelques âmes encore engagées en politique s’agiter. La gestion publique est, elle, une affaire d’adultes, et donc du Palais. Aziz Akhannouch — l’homme qui ne communique jamais, n’explique rien à l’opinion publique et se barricade derrière ses lieutenants — a gagné un privilège normalement accordé par des élections remportées. Un exercice démocratique auquel il n’a même pas participé. Ce privilège, censé être accordé par les Marocains, a été de façonner le gouvernement de Saâd-Eddine El Othmani et d’en contrôler l’essentiel du budget. Avec ses alliés de l’UC et du MP, ces autres usines à peinture, le RNI est la principale force politique de ce gouvernement. El Othmani et ses frères, arrivés premiers aux élections d’octobre, vont faire de la figuration, avec, pour lot de consolation, l’Équipement, seul portefeuille stratégique que détient la formation de Benkirane. De l’humiliation, rien de bon ne naît jamais, mais il est aujourd’hui trop tard pour le rappeler.
Les hommes qui représentent le peuple marocain ont été mis au corner. Pas assez bons pour conduire la voiture Maroc. Ce sont les gros bras, ceux que l’on estime compétents, qui seront au volant. Maintenant que la route est dégagée, que même le PJD est mis à terre, déchiré et résigné, les hommes du Palais doivent mener le Maroc à bon port. Ne nous demandez pas lequel, nous l’ignorons, au même titre que tous les autres Marocains. À l’Intérieur, à l’Éducation, aux Affaires étrangères, à l’Industrie, aux Finances et à l’Agriculture, il y a des têtes bien faites, des gens qui travaillent, qui délivrent des résultats et, il faut le reconnaître, ils font partie, avec d’autres ministres politiques, de la première division de ce gouvernement. Tous ont été choisis par une seule personne — le roi — et c’est auprès d’elle qu’ils se sentent comptables. Ils sont souvent peu enclins à parler aux médias — cet outil qui, sous d’autres cieux, contribue à la vie démocratique — de peur d’incommoder “en haut” par un mot mal choisi, ou par une liberté prise et non pas accordée. Ils ont aussi peur de trop briller. Alors, à ce stade de notre vie politique, la seule chose à espérer est que ces technocrates apprennent des politiques, ceux qui ont le souci de l’électorat, à s’intéresser aux Marocains. Leur parler, les respecter, et se mettre à leur service. Pour l’heure, mettons nos ceintures, accrochons- nous, les airbags ont été désactivés.