Fatym Layachi - Il est où le bonheur ?

Par Fatym Layachi

En ce moment, tu doutes beaucoup. Tu ne sais pas du tout où tu en es dans ta vie. Tu aimerais bien être dans la même dynamique que le pays qui sort de six mois de crise gouvernementale — tu aimerais qu’un arbitrage quelconque te sorte de tes doutes. Tu as très envie de partir en week-end. Déconnecter ça te fera forcément du bien. Tu appelles Zee pour voir ce qu’elle en pense. Elle adore l’idée. De toute façon, Zee est toujours partante quand il s’agit de vacances. C’est une question de principe. Reste maintenant à décider où aller. Ici ? Ailleurs ? Avion ? Voiture ? Train ? Non pas train. Le train n’est même pas envisageable pour Zee. C’est peut-être aussi une question de principe.

Comme à chaque fois que tu te poses n’importe quelle question concernant n’importe quel sujet, tu vas chercher ta réponse sur les internets. Et donc là, tu te retrouves à faire pianoter tes doigts à la recherche d’une destination, d’une offre, d’un concept, enfin de quelque chose qui puisse te faire rêver. Pendant tes pérégrinations sur la Toile, tu découvres que le plus bel hôtel du monde est au Maroc. Tu ne peux pas t’empêcher d’être fière. Mais, bien évidemment, il y a une incongruité : le plus bel hôtel est dans le plus beau pays du monde certes, mais ce n’est pas le même hôtel selon les sites Web ! Tu ne vas pas t’attarder à essayer de comprendre le pourquoi du comment de ce classement. Comme souvent, l’info tronquée te suffit largement. Du coup, tu te dis que ne pas quitter le pays serait une excellente idée. Après tout, à en juger par les campagnes de l’Office du tourisme, il y a un beau paquet de destinations à découvrir. Une des plus belles villes du monde serait même Chefchaouen. Toujours selon un classement que tu ne cherches pas à comprendre, peut-être même sans aucune légitimité, mais qui suffit à faire les titres des médias en ligne. Tu continues de scruter les sites et finis par avoir un coup de cœur pour un hôtel au bord d’une lagune avec des photos de petit dèj’ qui feraient hurler ta prof de Pilates, mais qui te font rêver. Tu envoies les liens à Zee. Elle te rappelle pour te dire qu’elle trouve ça hors de prix et que pour le même budget vous pourriez passer une semaine de l’autre côté de la Méditerranée. Entre la distance réduite et le patriotisme, tu arrives à la convaincre. Elle accepte.

Vous voilà donc parties, sur la route. Les paysages printaniers défilent. La nature est belle et généreuse. Vous êtes ravies. L’hôtel ressemble aux photos. Les couleurs sont un peu moins vives mais rien de grave. Vous découvrez votre chambre. Là tu es un peu déçue. Vous n’avez vue sur rien ! Les photos sur le site étaient celles “de la suite”, vous précise maladroitement la personne qui vous accueille. Bon tant pis. Vous allez au bord de la piscine profiter de la fameuse vue. Il faut le reconnaître, c’est sublime. Vous avez bien envie de grignoter et boire un truc, mais c’est comme la vue, c’est un concept. “La cuisine est fermée”. Là, ça commence sérieusement à t’énerver. Vu le prix de l’hôtel, tu es en droit d’espérer ne serait ce qu’un club sandwich ! Et en plus, comme vous êtes dans un coin paumé, vous ne pouvez même pas vous dire que vous allez faire un tour pour un déjeuner tardif ; il n’y a rien autour. Du coup, vous retournez dans votre chambre en attendant l’heure du dîner, vous matez des séries sur l’ordi de Zee. Et finalement, c’est ce que vous allez faire tout le week-end. Un comble pour quelqu’un qui avait envie de déconnecter. L’hôtel est vraiment très moyen. Enfin, comme souvent, c’est pas mal mais ça ne vaut pas son prix. Le service est simplement médiocre. Tu posteras des photos sublimes sur Instagram. À défaut d’avoir trouvé le bonheur, tu maîtrises les filtres et les cadrages. C’est déjà ça.