Zakaria Boualem et les classements

Par Réda Allali

Zakaria Boualem aurait bien voulu entamer cette chronique par quelques formules de politesse et autres petits bisous d’usage, mais il n’a pas la tête à ce genre de contorsion cette semaine.

Figurez-vous qu’il est tombé sur une dépêche de la MAP qui explique, tenez-vous bien, que “le Maroc est classé parmi les 50 meilleurs pays dans le monde en 2017”. Dans un premier temps, il a songé à festoyer sans plus attendre, il ne faut pas laisser passer ce genre de triomphe sans l’honorer avec enthousiasme. Mais vous connaissez notre homme, il a essayé d’en savoir plus et c’est là que tout est parti de travers. L’organisme responsable de ce classement s’appelle US News and World Report, vous avouerez que ce patronyme inspire le respect et le sérieux. Ces braves gens, donc, nous expliquent que le classement se base sur des critères comme le business, l’économie et la qualité de vie, c’est formidable ! Un coup d’œil sur le classement, donc, sans plus attendre.
Sautons une ligne.

L’Arabie Saoudite est 32e, fin du débat. Zakaria Boualem n’a plus envie de festoyer du tout. Il a tout de même cliqué sur la présentation de notre paisible contrée, pour découvrir que le plus long chapitre était consacré à notre glorieuse cuisine, avec des détails émouvants sur nos épices, notre thé à la menthe et notre hrira. Oui, les amis, c’est bien la hrira qui nous sauve des abysses dans lesquels un classement basé sur l’éducation ou l’accès aux soins nous aurait plongés. Il faut songer sans plus attendre à réhabiliter cette illustre réalisation nationale, et merci. Le Boualem a toutefois surmonté sa déception pour continuer son enquête, il a cherché d’autres classements farfelus et en a listé quelques-uns, au hasard (ils sont rigoureusement exacts, vous pouvez les vérifier, c’est assez amusant).

– Pour sa beauté et son “merveilleux exemple du mélange de l’architecture islamique traditionnelle et le modernisme”, le site italien TGCOM24 a classé l’aéroport de Marrakech à la quatrième positon mondiale. Kuala Lumpur est 8e.

– US News and World Report, encore lui, a placé 13 universités marocaines parmi les 120 meilleures du monde arabe. Les trois premières sont saoudiennes, et on commence doucement à mieux comprendre le business model de ce respectable organisme.

– “En termes d’accompagnement de voyageurs, notamment en matière d’indemnisation en cas de retard, annulation ou surbooking de vols aériens”, la Royal Air Maroc se classe 1re en Afrique et 40e au niveau mondial (source : Infomédiaire).

– Selon Jeune Afrique, Casablanca et Marrakech figurent dans le top huit des “meilleures villes africaines”.

– L’institut Mercer place Rabat et Casablanca respectivement à la 116e et 128e place mondiale pour la qualité de vie.

– l’Institut de Réputation de New York a classé le Maroc à la 39e position mondiale.

Un peu assommé par cette avalanche de gloire improbable, Zakaria Boualem s’est posé des questions. Existe-t-il, quelque part, une équipe d’anesthésistes patriotes chargés de faire produire ce genre de classements par des organismes lointains ? Font-ils des réunions chaque semaine en identifiant les réalisations nationales à mettre en avant (la hrira ou les aéroports, le tourisme ou la qualité de vie) ? Disposent-ils d’un budget, et si oui comment procèdent-ils aux arbitrages ? Est-il possible de payer par internet, est-ce qu’il existe des formulaires en ligne ? Ce business des classements est-il rentable ? Zakaria Boualem lui-même est-il capable de lancer une startup dans ce créneau ? À quoi ça sert ? Comment en est-on arrivés là ? Et pourquoi pas ?
Le Guercifi, perdu dans cet épais halo d’interrogations sans réponses, va sans plus attendre vous quitter avant d’écrire des bêtises qu’il regrettera demain matin. C’est donc tout pour la semaine, et merci. Et vive la hrira !