Les rues de la métropole sont pleines de jeunes à n’importe quelle heure de la journée et de la nuit. Sans travail, sans loisirs, ils tiennent les murs comme leurs voisins de l’est. Le Maroc est dans une situation explosive, et seuls quelques sages s’en émeuvent et alertent. Le Haut commissariat au plan a récemment averti de la “vulnérabilité de notre modèle de croissance”, concluant que “l’économie nationale au cours des années 2016 et 2017 serait restée dans l’équilibre bas de ses fondamentaux sans réaliser les performances nécessaires pour atteindre le niveau de création de richesses et de soutenabilité” nécessaires. Les perspectives inquiétantes de Ahmed Lahlimi ne viennent que renforcer ce que le premier président de la Cour des comptes avait déjà soulevé il y a presque un an au parlement. Driss Jettou constatait un “net recul du recours au financement bancaire et une détérioration de la capacité d’investissement et de créations d’emplois, à des niveaux inhabituels”. Il y a deux ans déjà, le wali de Bank Al-Maghrib s’inquiétait de “l’atonie des secteurs non agricoles” et du “niveau bas du taux d’activité et sa baisse tendancielle”.
Dans le Maroc d’aujourd’hui, une personne sur deux en âge d’activité se trouve en dehors du marché du travail. Glaçant. Pourtant, ceux qui tirent la sonnette d’alarme restent inaudibles. “Que Benkirane se soucie de deux postes accordés à l’USFP ou pas et ferme les yeux sur l’urgence de la situation et la nécessité d’agir, cela devient pénible”, regrette un haut responsable public. Dans sa stratégie de victimisation — qu’on ne peut lui reprocher, en bonne machine politique, il a éprouvé son efficacité — Benkirane apparaît de plus en plus comme le tambour du dicton populaire, il n’est écouté que parce qu’il crie le plus fort, mais reste creux à l’intérieur.
Il faut l’avouer, la classe politique n’est pas à la hauteur des défis économiques que le Maroc doit relever. La faute à cette classe et à ceux qui l’ont affaiblie. Mais au-delà des responsabilités, le fait est là et il est obtus : les politiques ont été incapables de proposer une stratégie pour sortir du sous-développement. Quant au Palais, aujourd’hui, qui peut en son sein contribuer à la dessiner ? Aucun proche de ces hautes sphères n’est capable de citer un nom depuis la disparition de Abdelaziz Meziane Belfqih, il y a sept ans. Un roi ne peut pas tout faire. Et il aurait tort de croire le contraire. Son plus proche conseiller, Fouad Ali El Himma, n’est pas réputé pour ses compétences en économie, et ce ne serait pas trop s’avancer que d’affirmer qu’il n’est pas sollicité à ce sujet. Les chargés de mission auprès du cabinet royal, recrutés pour leur tête bien faite, et dont certains ont l’indélicatesse de se vanter trop fort de leur Ph.D. d’Harvard, sont paradoxalement incapables de concevoir ce modèle. Il faut avouer qu’il manque une compétence auprès du roi pour s’inquiéter sérieusement de nos lacunes économiques. Un homme d’État, avec de l’expérience, qui ait une réelle connaissance du Maroc et de ses citoyens et qui puisse œuvrer à l’esquisse de choix économiques pertinents au vu des attentes et aspirations des Marocains. Cette compétence existe-t-elle seulement ? Oui, nous le croyons. Le souverain et son entourage actuel pourraient-ils composer avec un profil compétent et donc intellectuellement indépendant et courageux ? Nous le souhaitons pour le bien du pays.