Tous les ingrédients du scandale étaient réunis : l’entreprise FC Com, qui appartient à Mounir Majidi, secrétaire particulier du roi, exploite la quasi-totalité des panneaux publicitaires de Rabat, et paye à la ville, en contrepartie, des montants de redevance inférieurs à ses concurrents.
Ce sont les élus de la FGD qui ont révélé ces informations à l’opinion publique. Accusant dans un premier temps FC Com d’être dans l’illégalité, la formation s’est rétractée en demandant des explications au conseil de la ville. Premier responsable s’il y a effectivement “un manque à gagner en millions de dirhams pour la ville”, comme l’affirme la FGD, ce sera le conseil de la ville. L’argumentaire de l’avocat de Mounir Majidi est clair : tout s’est fait dans la légalité. FC Com a été pionnier dans le secteur, l’entreprise a donc profité des avantages du primo-entrant. Il ne faut pas en espérer plus de la part d’une entreprise qui s’acquitte en effet de ce qu’elle doit. Elle pratique son activité dans le cadre de la loi. Et pendant les longues années où elle a été dirigée par une manager discrète mais redoutablement efficace — Nadia Fassi-Fihri, aujourd’hui à la tête d’Inwi —, l’entreprise a construit le réseau d’affichage le plus performant du pays. Le scandale n’a donc pas eu lieu.
Les vraies questions de fond ne sont pas réductibles au débat juridique. Car rien ne permet d’affirmer, preuves à l’appui, que c’est la proximité avec le roi qui fonde ce quasi-monopole. En revanche, c’est le procès de tout un système qu’il faut bien faire. Un système où l’interpénétration entre le public et le privé est forte et opaque. L’un donne à l’autre mais n’enrichit qu’une seule et même caste. Un système où les hauts fonctionnaires, ministres, présidents de communes, élus et autres n’assument que rarement leurs responsabilités. S’ils accordent des faveurs, des passe-droits, c’est qu’au mieux ils ont reçu un “ordre d’en haut”, justifient-ils, ou au pire qu’ils ont reçu une enveloppe. Mais ils n’exposent ni ne justifient que très rarement leurs choix. Un système où des fortunes peuvent se constituer uniquement sur la base d’une décision administrative, grâce à une autorisation, des signatures que l’on accorde ou que l’on refuse. Et comme le rappelle le chercheur en économie politique du développement, Jacques Ould Aoudia, lorsque dans un pays on s’enrichit par “son statut, par sa proximité avec un pouvoir, plutôt que par le travail, on reste alors dans un schéma qui n’est pas celui du développement”.
Le constat est pourtant évident : notre système de gouvernance actuel freine le développement économique du pays. Si ce système de copains et de coquins drainait assez de richesse, plus justement redistribuée, il n’y aurait rien à redire. Dans les plus grandes démocraties, les conflits d’intérêts demeurent et prospèrent. Mais chez nous, l’enrichissement général ne suit pas et les élus rbatis de la FGD ont eu raison de soulever cette question qui dérange. Elle contribue à préparer le terrain pour la reddition des comptes. Car ceux qui se sentent exclus de ce système, ceux qui travaillent dur, les petits entrepreneurs, les commerçants, n’ont qu’une seule puissance, celle du nombre. Aujourd’hui, ils ne trouvent d’oreille attentive à leurs maux qu’auprès du PJD. Et ce sont eux qui votent massivement aux élections.