La France traverse une mauvaise période, les amis, c’est Zakaria Boualem qui vous le dit. Depuis plus d’une dizaine de jours, cette paisible contrée est parcourue de convulsions indignées, c’est spectaculaire. En cause, un candidat à la présidentielle, dont on dit qu’il aurait payé sa femme à ne rien faire, et avec de l’argent public. Une infamie. À l’heure où nous écrivons ces lignes, on ne sait toujours pas si ce brave homme compte persister dans son projet électoral, et on ne sait pas non plus qui le remplacerait s’il venait à jeter l’éponge. Le second sur la liste s’est déjà désisté, et le troisième s’appelle Sarkozy, c’est vous dire l’ampleur de la confusion générale. Les Français, les pauvres, pourraient bien finir par se tourner vers le type qui aimait parler de pain au chocolat volé par des Arabes, un grand ahuri avec l’air d’un vendeur d’assurance vie. Zakaria Boualem a oublié son nom, mais il a appris qu’il avait fait 0,3%. C’est un chiffre surprenant. Non pas que ce bonhomme soit sympathique — il est même étonnant qu’on lui ait trouvé quelques milliers de fans —, mais il traîne sur les écrans depuis tant années qu’on avait fini par penser qu’il était important. On aurait dû organiser ce vote un peu plus tôt, on aurait échappé plus tôt à ses pénibles raisonnements. Bref, la classe politique s’entredéchire à cause de cette affaire d’emploi fictif, il est bien loin le temps ou elle était digne, unie pour lutter contre la quenelle. Ils sont sur le point de tomber dans les épouvantables affres de la mythique fitna. Al Hamdoulillah, nous sommes ici à l’abri d’une telle catastrophe.
Polémiquer à cause des emplois fictifs offerts à ses proches par un candidat à une élection est une possibilité que nous n’envisageons pas. Tout d’abord parce que, chez nous, on ne donne rien de très important à faire à nos élus, c’est un signe de grande sagesse. On peut voter pour un voleur ou pour un type intègre, ça ne change pas grand-chose. Constatez par vous-mêmes : nous sommes sans gouvernement depuis quatre mois et nous sommes toujours aussi glorieux. Nous avons réintégré l’Afrique dans ses composantes footballistiques et politiques, nous démantelons à tour de bras des cellules dormantes, et nous avons réussi à traverser cette période de pluie sans écroulement notable. Autant de preuves éclatantes que cette histoire d’élections est très surcotée. Mais ce n’est pas tout. Nous n’avons pas non plus de concept aussi étrange que celui d’argent public. Il y a bien de l’argent dans les caisses de l’État, mais il n’est pas vraiment public, il est à ceux qui le gèrent, c’est très différent. Il ne viendrait à personne l’idée de leur reprocher d’en faire ce qu’ils veulent puisqu’ils sont précisément là pour ça.
N’importe qui, dans leur position, ferait pareil. Fillon a donné un salaire à sa femme pour qu’elle ne fasse rien, et alors ? C’est bien la moindre des choses. Il aurait pu lui demander de faire quelque chose, et ça aurait probablement été pire. Chez nous, un type qui n’est même pas capable de sortir son épouse du chômage n’aurait aucun respect de ses électeurs, voilà la vérité. C’est une évidence, le modèle marocain est bien supérieur, il garantit la cohésion nationale en nous épargnant des polémiques inutiles. Mais supposons toutefois, pour le plaisir de la démonstration, qu’à force de singer l’Occident, on finisse par se retrouver avec un scandale de ce genre sur nos écrans. Eh bien, Zakaria Boualem vous garantit qu’il n’atteindra jamais les proportions observées en France, qui risque de basculer dans le chaos, la malheureuse. Pourquoi cela ? Parce que le Marocain est philosophe, il sait que ses gesticulations ne servent à rien. Il sait qu’à la fin, personne ne payera jamais rien, à part lui. Il sait que les commissions d’enquête, quand elles auront fini de se pencher sur l’affaire, se redresseront comme si de rien n’était, avant de se pencher sur autre chose avec la même bonhomie. Voilà comment nous gérons nos affaires. Vive nous, et merci.