Dans notre dernière édition (TelQuel n°748), nous analysions le “blocage” que connaît la formation du gouvernement, depuis les législatives du 7 octobre 2016. Nous avons choisi d’éclairer une question que se posent nombre d’observateurs politiques, de confrères et de simples citoyens : l’impuissance à faire émerger une majorité depuis plus de 100 jours traduit-elle une volonté du Palais d’éliminer Abdelilah Benkirane, après la victoire électorale du PJD ? Et, surtout, veut-on pousser le zaïm islamiste à présenter sa démission, lui qui a été nommé par le roi ? Plusieurs sources nous ont affirmé que le Chef du gouvernement avait évoqué l’option de la démission avec Aziz Akhannouch, que tout le monde sait proche du Palais, et que ce dernier avait écarté cette option en ajoutant même : “Si tu démissionnes, je ne t’adresserai plus la parole”. Une autre source proche des négociations nous a aussi confié que le conseiller royal, Fouad Ali El Himma, avait tenu des propos similaires à Benkirane, par téléphone, il y a de cela trois semaines, lorsque le roi était à Marrakech. Ces informations, publiées le vendredi 20 janvier, nous avaient permis de conclure qu’il n’y avait pas de volonté affichée du Palais de pousser Benkirane vers la sortie.
Plusieurs jours se sont écoulés avant que le journal électronique Al3omk — que l’on dit proche du PJD — ne publie une information similaire, faisant référence à une rencontre entre Benkirane et El Himma les 18 et 19 janvier, et lors de laquelle le conseiller royal aurait tenu des propos similaires (avec quelques ajouts que nous ne reprenons pas) à ceux publiés par TelQuel quelques jours plus tôt. Le site affirmait que cette information lui avait été confirmée par Benkirane. Seulement, nous n’avions jamais eu vent de la rencontre à laquelle fait référence ce portail d’information. Pour une raison simple : nous avons bouclé notre édition le 19 janvier. L’emballement médiatique a été tel que nous avons été contactés par des proches de Benkirane nous demandant de démentir notre information, mais sans citer nommément le Chef du gouvernement, lequel ne souhaiterait pas s’exprimer publiquement sur cette polémique.
À ce jour, nous n’avons aucune raison de douter de l’information que nous avons publiée et que nous maintenons. L’entourage de Benkirane la réfute, sous couvert d’anonymat, dont acte. Mais cette tempête dans un verre d’eau est riche en enseignements. Au Maroc, il est toujours impossible de vérifier l’information auprès des conseillers royaux, et encore moins quand ces derniers œuvrent en coulisses aux destinées de la nation. La situation est ubuesque. Une voix manque dans cet imbroglio. Elle est, certes, portée par des médias qui affirment mordicus qu’El Himma n’a jamais tenu de tels propos. Mais qui leur parle ? Mystère. La situation actuelle révèle en tout cas que les échanges ont repris entre Benkirane et El Himma, après une forte tension entre les deux hommes durant l’année 2016. Enfin, la couverture médiatique de cet échange traduit un malaise profond. Car la question principale reste entière : si Benkirane semble bien accroché à son siège, quel rôle veut jouer le Palais : pour ou contre la constitution d’un nouveau gouvernement Benkirane ?