La faillite de l’école, échec et abandon scolaires, mauvaises performances des élèves, la surpopulation des classes… la situation de l’éducation nationale ressemble à une litanie, et les articles qui lui ont été consacrés couvriraient un Mur des lamentations. Si vous en doutez, faites un petit détour par les réseaux sociaux en utilisant le hashtag #EducMa. Si le sujet passionne, c’est que, depuis l’indépendance du Maroc, les réformes de la dernière chance se sont accumulées, en totale incohérence, pour donner un système calcifié. Le résultat est nul et les tares sont comme fossilisées. “C’est de la roche qu’il va falloir casser”, nous confie un proche du Palais, qui souligne la prise de conscience au sommet de l’Etat, “La volonté du souverain est engagée. Il suit de très près et aide quand il y a des blocages”, nous assure-t-on. Une stratégie à l’horizon 2030 a été formulée par le Conseil supérieur de l’éducation, en concertation avec l’ensemble des parties prenantes (partis politiques, syndicats, associations, experts, etc.).
Cet énième “plan de la dernière chance” a reçu l’onction royale. Un bon début pour espérer un changement. Reste un obstacle de taille, qui explique largement les échecs passés : le problème est un sujet de salon pour les dirigeants mais pas une préoccupation immédiate. Ils peuvent être émus par le sort fait à la jeunesse, mais ils ne sont pas concernés. Chacun s’accommode de l’échec de l’école publique quand il ne l’envisage pas pour ses propres enfants. Même les plus démunis d’entre eux se saignent pour payer une école privée à leur progéniture. “Si tout le monde va à l’école, où allons-nous trouver bergers et employés de maison”, s’amuse un cynique. Une autre variante de ce désintérêt profond pour l’éducation nationale a été illustrée par le Chef du gouvernement. En bon tribun islamiste, il s’est opposé à l’introduction du français dans l’enseignement des matières scientifiques. Le même se félicite pourtant que ses enfants soient ouverts sur le monde. Cherchez l’erreur.
Devant tant d’insouciance, une réforme aussi colossale peut-elle réussir ? Il le faut pourtant, quitte à faire preuve de fermeté. La loi-cadre en discussion entre le gouvernement et le Conseil supérieur de l’éducation doit graver dans le marbre les principes directeurs de l’école de demain. Puisqu’elle est le produit d’un travail participatif (Conseil, gouvernement et parlement), il faut que tous s’y conforment. Cette vision stratégique aura été démocratique dans sa conception, c’est pourquoi son exécution ne doit pas faire l’objet de tergiversation. Il est l’heure de dépasser les petits calculs politiques, les supposés projets de société, les chicanes drapées d’idéologie. De même qu’il ne faudra pas céder devant les pressions de groupes minoritaires. Contre le statu quo et ses rentiers, il n’y a pas à craindre d’aller à la confrontation. Il ne s’agit pas d’ignorer les poches de résistance mais de les vaincre.