Edito. L'Afrique, au-delà des slogans

Par Aicha Akalay

Mohammed VI arborait un sourire rare et ô combien expressif, ce mercredi 16 novembre à Marrakech pour le premier « sommet africain de l’action ». Entouré de nombreux chefs d’Etat africains, le souverain était conscient qu’il signait là un acte diplomatique majeur. Le Maroc — comme à l’époque de Hassan II disent les nostalgiques — retrouve de sa superbe internationale. Et rien n’a été laissé au hasard. Quand Macky Sall, solide allié sénégalais du Maroc, a fait lecture de la déclaration du sommet, il a prononcé cette phrase que la diplomatie marocaine a dû soigneusement ficeler : « [Nous, chefs d’Etat et de gouvernement africains réunis à Marrakech ] invitons le roi du Maroc, en relation avec le président en exercice de l’Union africaine, à œuvrer pour la mise en œuvre de cette Déclaration ». Comprenez, Mohammed VI n’est pas le chef d’État d’un pays qui toque à la porte de l’UA, il est l’égal de ses pairs du continent et parle à leur président honoraire sur un pied d’égalité. C’est surtout un leader qui donne l’exemple en termes de mobilisation de ressources et d’ambition.

La stratégie développée par Mohammed VI et ses diplomates repose sur une approche globale empreinte de pragmatisme. Il fallait se tourner vers l’est du continent même s’il est plutôt favorable aux thèses indépendantistes de nos adversaires. Il était judicieux d’envoyer un message fort depuis Dakar. Il était bienvenu d’accueillir d’éminents membres de l’UA à Marrakech pour leur proposer des solutions à leurs maux au lieu de les harceler avec le Sahara, notre obsession première. De même qu’il est utile d’emporter dans les bagages du roi, dans ses tournées africaines, des promesses d’investissements et des contrats de partenariat avec des pays encore inconnus des Marocains. Il manque pourtant à cette construction une pièce majeure : l’humain, qui, seul, peut assurer la pérennité de l’édifice.

Mohammed VI dit connaître l’Afrique, mais ce n’est pas le cas de tous les Marocains. Sur le dossier africain, le monarque privilégie un pilotage directif, avec une démarche top-down. Lui dicte, l’intendance et les moyens doivent suivre. Comment s’empêcher alors de penser que l’offensive marocaine en Afrique sert plus l’image du monarque que les intérêts des Marocains ? Or, l’appartenance africaine devrait être une réalité ressentie par tous. Dans les tournées royales, le cluster culturel est absent. Qu’échangeons-nous, Marocains, avec le reste du continent ? Où sont nos livres, nos films, notre gastronomie et nos imaginaires ? Dans ces mêmes tournées, aucune place non plus pour les médias nationaux autres que les officiels, relais habituels de propagande. Le Palais et ceux qui travaillent à son service préfèrent toujours le confort de ce qui est maîtrisable, malléable. Il est plus que temps de changer de paradigme. Car sans appropriation par tous, l’Afrique finira par sonner comme un slogan creux, une lubie de communicants.