La mort de Mouhcine Fikri à Al-Hoceima provoque une vague d'indignation contre la "hogra"

Une vague d’indignation s’est emparée des réseaux sociaux après la mort de Mouhcine Fikri, grossiste en poissons, broyé par un camion-benne alors qu’il contestait la saisie de sa marchandise. Des sit-ins sont prévus dans plusieurs villes. Mandaté par Mohamed VI, Hassad suit personnellement l’affaire.

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La mort tragique de Mouhcine Fikri, 31 ans, vendeur de poissons en gros et mort broyé par le mécanisme d’un camion-benne, suscite une vague d’indignation sur les réseaux sociaux, mais aussi dans les rangs de la société civile et de partis politiques qui se sont positionnés sur l’affaire, alors que l’enquête se poursuit.

Le ministre de l’Intérieur, Mohamed Hassad, a été chargé par le roi Mohammed VI de suivre de près l’affaire. Il est attendu à Al Hoceima où il devrait rencontrer la famille. Une dépêche de l’agence officielle MAP a officialisé ce déplacement : « Hautes instructions royales au ministre de l’Intérieur pour se rendre dimanche à Al Hoceima présenter les condoléances et la compassion du souverain à la famille du défunt Mouhcine Fikri ».

D’après la même source, le ministre de l’Intérieur a informé la famille que sur instructions royales, « une enquête minutieuse sera diligentée (et) des poursuites engagées contre quiconque dont la responsabilité a été établie dans cet incident ». 

La ville, théâtre de manifestations spontanées est toujours sous tension, alors que débutaient ce dimanche après-midi les funérailles de Mouhcine Fikri.

Deux hashtags en arabe,  #طحن_مو  (broie-le), et #كلنا_محسن_فكري (nous sommes tous Mouhcine Fikri) font le tour de la toile, et des appels à manifester ce dimanche dans plusieurs villes contre la « hogra » ont été lancés sur les réseaux sociaux. Plusieurs poissonniers de la ville se sont solidarisés avec leur confrère, en fermant boutique ce dimanche matin, nous annonce Faissal Aoussar, responsable locale de l’Association marocaine des droits humains (AMDH).

(Sit-in de solidarité à Tétouan en solidarité avec le défunt)

https://twitter.com/AmghariR/status/792331647739957248

(Voici le camion où est mort le jeune Mouhcine Fikri)

Pour l’heure, les circonstances exactes du décès de Mouhcine Fikri demeurent imprécises.

Ce vendeur de poissons en gros était en possession de près de 500 kilogrammes d’espadon, espèce interdite de pêche en ce moment, ce qui lui a valu une saisie des autorités, selon plusieurs sources médiatiques. D’après un communiqué publié dimanche 30 octobre par la section locale de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) à Al Hoceima, les faits se sont produits à 22h, près du tribunal de première instance de la ville. « Les autorités ont fait venir un camion-benne et ordonné la destruction de la marchandise. [Mouhcine Fikri] n’a pas supporté que sa source de revenus soit détruite de la sorte, et a menacé de se suicider si la saisie est détruite », estime l’association.

Une vidéo, largement relayée sur les réseaux sociaux, montre la scène du drame : on voit trois personnes monter sur l’arrière du camion pour protester contre la saisie. Alors que deux individus arrivent à s’en extirper, le troisième, Mouhcine Fikri, reste prisonnier. Des cris d’effrois se font alors entendre, alors que la victime se fait prendre dans le mécanisme. Cette vidéo, très violente, a fait dire à plusieurs internautes que le système de compactage a été actionné alors que la victime se trouvait à l’arrière du camion, certains affirmant même qu’un ordre a été donné pour activer le mécanisme alors que la victime s’y trouvait. Selon plusieurs sources médiatiques,  il pourrait aussi bien s’agir d’un accident. La Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) a pour sa part émis un communiqué pour expliquer que « les informations relayées par les réseaux sociaux sur une présumée relation de fonctionnaires de la sûreté avec la mort d’un citoyen à Al Hoceima sont dénuées de tout fondement ».

Le ministère de l’Intérieur et le procureur de la ville ont ordonné l’ouverture d’une enquête. Elle sera menée par la Brigade nationale de police judiciaire (BNPJ) pour déterminer les circonstances précises du drame.

Plusieurs partis politiques ont émis dans la foulée un communiqué sur affaire. Premier à réagir, le PAM (Parti authenticité et modernité), qui a qualifié la mort de Mouhcine Fikri de « tragédie », dénonçant « le traitement dégradant » qu’il a subi appelant à l’ouverture d’une « enquête approfondie (…) suivie de sanctions contre les responsables ». Le parti d’Ilyass Elomari va même plus loin, appelant ses militants « à s’engager dans toute forme de militantisme légitime contre l’injustice et pour la défense de la dignité des citoyens ».

Le discours est tout autre du côté du PJD, qui a appelé à la retenue par la voix de son secrétaire général, Abdelilah Benkirane. Tout en exprimant ses « regrets concernant l’accident regrettable du décès (de Mouhcine Fikri) », le parti de la lampe appelle ses membres et sympathisants à ne pas répondre « de quelque manière que ce soit aux appels à manifester ». Selon Alyaoum24, Abdelilah Benkirane a contacté au téléphone la famille de la victime, pour exprimer ses condoléances.

Les islamistes d’Al Adl Wal Ihssane (interdite, mais tolérée) n’ont pas pour l’heure émis de communiqué pour livrer leurs positions officielles, mais ont relayé sur leur site internet les appels à manifester dans plusieurs villes. Leur section locale à Al Hoceima a constitué un comité pour suivre l’affaire.

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