Le ciel est tombé (encore une fois) sur le monde des hauts fonctionnaires de Rabat. Plus précisément sur l’un d’entre eux : Azdine El Mountassir Billah a été limogé – et non pas remercié – sans que l’on sache officiellement ni les raisons, ni le donneur d’ordre. L’homme, décrit par ses pairs comme compétent et intègre, rend son tablier contraint, après avoir mené avec succès le lancement de la 4G. Certes, il y a des ombres au tableau de son mandat, comme la gestion du dossier de la VoIP, dont les Marocains sont privés depuis de longs mois. Mais son bilan n’est pas ce qui intéresse ici. A l’heure où ces lignes sont écrites, aucun communiqué officiel n’est tombé pour expliciter cette décision. C’est la presse qui, la première, a annoncé la nouvelle. Et, depuis, des citations en off de membres du gouvernement essayent de la justifier :“manquements managériaux”, ici, “absence de concertation avec les opérateurs”, là, sont les griefs qui fuitent. Bref, brûlons ce que nous avons adoré. La vache est à terre…
Il faut pourtant résister à l’appel au lynchage d’un responsable public et exiger plutôt des explications. Il est essentiel pour le bon fonctionnement des institutions de comprendre pourquoi les fonctionnaires sont sanctionnés. Quelles règles l’ancien patron de l’ANRT n’a-t-il pas respectées ? Sans cela, non seulement les spéculations les plus folles ont droit de cité, mais, surtout, quelles conséquences désastreuses sur le travail des fonctionnaires ! Avec de pareilles méthodes, la peur est diffusée dans les rangs des hauts fonctionnaires. Comment pourrions-nous alors blâmer ceux qui estiment que moins ils en font mieux ils se portent. Le licenciement de Azdine El Mountassir Billah, de la tête d’un organe de régulation où des intérêts puissants et contradictoires dominent, mérite d’être traité comme un cas d’école.
Il est essentiel qu’une personne qui occupe un poste aussi stratégique que la direction générale de l’ANRT ne soit pas tétanisée par la peur, qu’elle puisse jouir de toutes ses prérogatives même si ses décisions incommodent certains, et qu’elle puisse prendre des mesures audacieuses. Bien sûr, le tout dans un cadre clair encadré par la loi. Or, les limogeages violents – comme avant, ceux de Mustapha Bakkoury, Younès Maâmar, Anas Alami, etc. – sont profondément déstabilisants. Ils contribuent à l’immobilisme dans la fonction publique, décriée aujourd’hui. Il est quand même contradictoire de délivrer un discours ferme pour secouer la “grande dame” de l’administration et de l’affaiblir avec des décisions brutales non argumentées. Le Maroc compte d’honorables fonctionnaires, des gens compétents et dévoués, il faut les considérer et non les brimer.