La part de l’utopie et du rêve est toujours grande dans cet idéal. Au Maroc, et dès le début du XXe siècle, la gauche était une composante majeure de la vie politique nationale. Les femmes et les hommes qui ont adhéré à ses valeurs et ses idées ont fourni au pays des bataillons de combattants et de résistants pour l’indépendance. Il serait fastidieux d’en rappeler les noms ; nos boulevards, nos écoles et nos manuels d’histoire les célèbrent encore. C’est cette gauche qui a donné au Maroc le gouvernement de Abdellah Ibrahim, en 1958, dont les réformes et les initiatives économiques sont perceptibles jusqu’à nos jours. C’est cette même gauche, dans ses différentes variantes et son large spectre, qui s’est battue contre l’absolutisme et les dérives autoritaires de Hassan II.
Le prix à payer, pour ses militants, était lourd : la torture, l’exil ou la mort. Sans les sacrifices de la gauche, le Maroc ne ressemblerait pas à celui d’aujourd’hui, avec ses avancées sur le chemin périlleux et incertain vers la démocratie. Mais, depuis une dizaine d’années, la gauche marocaine est en déclin, pour plusieurs raisons. L’expérience de l’Alternance, initiée en 1998, a affaibli l’USFP, son vaisseau amiral, son hégémonie intellectuelle s’est étiolée, et le rajeunissement des idées et des hommes tarde à se réaliser. La gauche, ancien laboratoire d’innovation et de changement, est devenue un modèle d’archaïsme et d’inertie.
Devant cette situation, la Fédération de la gauche démocratique (FGD) peut devenir une option d’avenir, une solution et un cadre où s’élaborent de nouvelles idées et pratiques. Sa légitimité historique, en tant qu’héritière de groupes et de partis qui ont marqué l’histoire militante du Maroc moderne, est un atout. Mais c’est loin d’être suffisant pour séduire, convaincre et mettre en place un parti populaire et influent. La FGD est encore une petite formation politique, qui bénéficie d’un crédit de sympathie auprès de certaines couches urbaines et cultivées de notre pays. Son parcours du combattant, pour reconquérir les classes moyennes qui se sont détournées de la gauche, est long et semé d’obstacles. Et le premier de ces obstacles est d’ordre interne. Il s’agit de la mise à jour d’un logiciel de fonctionnement et de rapport au monde, devenu obsolète et dépassé. La crise de la gauche actuellement est une crise de mots et d’idées. On ne peut plus s’adresser aux classes moyennes, issues du secteur privé, des délocalisations et de la mondialisation, avec un discours économique antédiluvien et “la théorie du complot” comme unique explication de nos problèmes et nos défaillances. Le dépoussiérage des idées, du mode de fonctionnement et le renouvellement du personnel de gauche, sont indispensables pour faire de la FGD une véritable alternative d’avenir. Sinon, les vieilles recettes ne feront que reproduire les mêmes échecs.