Transhumance: Nos politiciens seraient-ils des caméléons ?

Les politiciens marocains changent de bord car « il n'y pas de véritables clivages idéologiques au Maroc ».

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Crédit: DR/Nintendo. Photomontage TelQuel

Certains politiciens changent d’orientation comme ils changent de chemise. À la veille de chaque rendez-vous électoral, le paysage politique marocain vit au rythme de ces changements de tendances. Avant la Constitution de 2011, le phénomène avait un nom : transhumance. Depuis son interdiction formelle par la loi suprême du pays, les députés ne peuvent plus migrer d’un parti politique vers un autre pendant leur mandat, mais cela ne veut pas dire qu’ils ne cèdent plus aux sirènes du « changement ». Désormais, pour se présenter sous les couleurs d’une autre formation politique, les élus sont obligés de démissionner de leur fonction de député conformément à l’article 61 de la Constitution : « Tout membre de l’une des deux chambres qui renonce à l’appartenance politique à laquelle il s’est porté candidat aux élections ou au groupe parlementaire auquel il appartient est déchu de son mandat ».

Le dernier épisode en date remonte au 6 septembre quand le Conseil constitutionnel a validé la démission de 16 députés, parmi lesquels se trouve Asmâa Chaâbi (RNI) qui a abandonné la colombe pour le tracteur. En 2015, des figures de proue de l’USFP comme Hassan Derhem et Saâd Chbaâtou, ancien président du conseil régional de Meknès-Tafilalet, se sont vus déchus de leur mandat de député car ils se sont représentés sous les couleurs du RNI pour les élections communales de 2015.

« Un comportement rationnel mais pas éthique »

« La transhumance est un phénomène normal au Maroc, dans la mesure où les transhumants veulent se repositionner à chaque élection et cherchent le parti qui va augmenter leurs chances pour être éligibles. C’est un comportement rationnel mais pas éthique », analyse le politologue Mustapha Shimi, qui estime que cela « conforte l’opportunisme ». Le mode de scrutin actuel qui favorise les têtes de liste, en plus de « l’inexistence de véritables clivages idéologiques », achèvent de convaincre les notables de miser sur le meilleur cheval.

Il arrive également que les formations politiques courtisent les élus de leurs adversaires, simplement parce qu’ils disposent de « ressources financières assez importantes ou parce qu’ils sont tout simplement influents », ajoute Sehimi. Concrètement, cela permet aux partis de couvrir le maximum de circonscriptions. Le virement de bord le plus impressionnant a eu lieu en 2009, quand le parti du tracteur a rallié à sa cause 58 députés« Si ce parti avait fait cette opération, c’est pour pouvoir couvrir plusieurs circonscriptions et constituer une véritable force politique », explique Shimi.

Les super-héros du changement de couleur

Hassan Derhem, figure de proue de l’USFP, a changé de camp en août 2015 pour se présenter sous les couleurs du RNI à l’élection des chambres professionnelles. Pour les élections législatives de 2016, il a de nouveau rejoint l’USFP pour se présenter à Laâyoune.

 

hassan derhem

Asmaa Chaâbi, élue maire d’Essaouira sous la bannière du PPS en 2003, a changé en 2015 de formation en rejoignant le RNI. Elle se présente aux législatives 2016 sous les couleurs du PAM.

asmaa chaabi

Le député et ancien ministre Said Chbaâtou avait quitté son parti l’USFP, pour se présenter en 2015 sous les couleurs du RNI lors des élections communales. Cette année, il se présente sous la même bannière pour les élections législatives.

said chbaatou photo

Mohamed Boudra, ancien membre dirigeant du PPS, a quitté son parti en 2015 pour briguer le poste de président du Conseil municipal d’Al Hoceima sous les couleurs du PAM.

said chbaatou

L’actuel ministre du tourisme Lahcen Haddad, qui s’est toujours porté candidat sous les couleurs du Mouvement Populaire à Khouribga, a rejoint le parti de l’Istiqlal pour se présenter aux législatives 2016.

lahcen haddad

L’homme d’affaires et ancien député Faouzi Chaâbi, qui était auparavant au PEDD (parti de l’environnement et du développement durable) puis au PPS et au RNI, a rejoint les rangs du PAM pour se présenter à Kénitra lors de ces élections législatives. Il s’oppose à Aziz Rebbah du PJD.

faouzi chaabi

L’ancien maire de Tanger Samir Abdelmoula, qui a démissionné de ce poste en 2010 alors qu’il avait été élu sous les couleurs du PAM, se porte candidat dans la même ville pour les élections législatives en tant que membre du PJD.

samir abdelmoula

Le président du groupe parlementaire du Mouvement Populaire (MP) à la Chambre des représentants Nabil Benomar Belkhayat a démissionné de son poste en 2015 pour rejoindre le RNI. Il est candidat pour ces élections législatives dans la circonscription d’Ifrane sous les couleurs du parti de la colombe.

nabil benomar

Taher Chakir, qui était membre du Parti national démocratique (PND), a rejoint les rangs du PAM en 2009. En 2011, il devient député en se présentant sous cette même étiquette.

taher chakir

Même scénario pour la députée Milouda Hazib, qui était membre au PND avant de rejoindre le parti du tracteur.

milouda hazeb

Najib El Ouazzani, qui était secrétaire général de son parti Al Ahd, avait rejoint le PAM en 2008, devenant secrétaire adjoint. En 2009, il quitte le parti du tracteur et fonde Al Ahd Addimocrati. En 2016, il est candidat PJD dans la circonscription d’Al Hoceima.

najib el ouazzani

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