Démagogie, populisme, patriotisme, il n’est pas nécessaire d’être en Égypte pour retrouver les ingrédients qui faisaient une bonne satire à la sauce Bassem Youssef. Après avoir dénoncé les bavures de l’Etat égyptien, dans son émission El Bernameg , l’animateur, exilé aux États Unis, revient depuis le 14 juillet sur les écrans avec son manuel du bon petit démocrate : Democracy Handbook. Avec son délicieux accent et son humour piquant, il raconte, non plus les dérives de la politique du président déchu Morsi, mais la société américaine qui s’apprête à voter Trump. « Il existe beaucoup de chapitres à propos de Trump et des musulmans, va-t-il nous expulser, nous tuer, ou nous virer ? », s’interroge l’animateur. On s’amuse mais on découvre aussi d’autres points de vue comme celle de cette femme musulmane qui vote Trump malgré ses propos virulents à l’égard des musulmans, qui ne seraient selon elle «  que pure politique ».

DemocracyHandbook, une relance signée USA

Le droit au port d’armes, la sécession, la liberté d’expression, tout y passe avec ironie. Dans chaque épisode, Bassem Youssef part à la rencontre de personnalités qui offrent une vision critique de leur société. « Je suis venu aux États-Unis, terre de liberté, dorénavant je peux mieux avancer, après tout l’Amérique reste le modèle démocratique, n’est-ce pas ? », taquine l’animateur dans le générique de son émission, qui en quelques séquences bien choisies déconstruit l’image de ce pays où l’égalité des chances est un sacerdoce. « Tous ici ont les mêmes chances de réussite, dit-on. Mais il y a une chose qui les rend tous égaux : tout le monde peut avoir une arme », explique-t-il.

Du médecin à la star du petit écran

Bassem Youssef a fait rire plus de 30 millions de téléspectateurs avec El Bernameg (le Programme), une émission inspirée par le Daily Show américain de Jon Stewart, diffusé sur la chaîne égyptienne CBC. Mais avant de devenir le trublion de la télévision égyptienne, il a exercé en tant que médecin cardiologue. C’est le printemps arabe qui a mis le feu aux poudres dans son pays et a déclenché cette nouvelle vocation chez Bassem Youssef. Time magazine a classé l’animateur parmi les 100 personnes les plus influentes dans le monde.

Pressions politiques et poursuites judiciaires

Figure symbolique de lutte contre la dictature et pour la liberté d’expression, Bassem Youssef est désormais connu pour ses critiques acerbes à l’encontre des régimes de Morsi et Al-Sissi. Son ton irrévérencieux a ainsi vite attiré les foudres des Frères musulmans et des partisans du chef de l’armée Al Sissi. La chaîne CBC a suspendu l’émission pour incompatibilité éditoriale. En 2013, l’animateur revient avec une nouvelle saison, fidèle à ses satires, d’ El Bernameg qu’il anime sur MBC Egypt. Mais la chaîne annonce la suspension de l’émission durant l’élection présidentielle de Abdel Fattah al Sissi. De son côté Bassem Youssef déclare que « les circonstances et les pressions sont trop fortes » et met fin à son émission. L’animateur avait aussi fait l’objet de plusieurs poursuites judiciaires sous Mohamed Morsi, pour « incitation au chaos », « menace de la sécurité », et « insulte à l’armée ».

Au festival Beiteddine à Beyrouth

Le 3 août, l’animateur a présenté un show au festival Beiteddine avec pour thème : « la plaisanterie est plus puissante que l’épée ». Et ce malgré une requête déposée par l’ex-général libanais Mustapha Hamdane à l’encontre de l’animateur à la veille du spectacle. Mais elle n’a pas suffi à faire taire l’icône de la contestation.

Par Malak BOUKHARI