Éditorial. L’Afrique, c’est chic

Par Aicha Akalay

Cette semaine, alors que nos diplomates étaient à Kigali pour lancer le processus de réintégration du Maroc au sein de l’Union africaine, s’ouvrait à Khouribga le 19e Festival du film africain, célébrant cette année l’Éthiopie.

Un heureux hasard du calendrier qui rappelle que la politique africaine du Maroc n’est pas conjoncturelle ou opportuniste. Depuis quarante ans, une ville marocaine de 200 000 âmes est – avec Ouagadougou – la capitale du cinéma du continent. Alors oui, l’Afrique c’est chic.

Quand Mohammed VI se définit en roi d’un pays africain, en assurant avoir foi en l’avenir de ce continent et être fier de son patrimoine culturel, il ne livre pas qu’un discours. C’est la conviction profonde d’un souverain qui soutient les artisans de ce soft power. Que le Maroc veuille aider ses frères africains, les étudiants en cinéma et les réalisateurs venus nombreux à Khouribga en sont intimement convaincus. Durant les dix dernières années, sous l’impulsion de Noureddine Saïl, ancien directeur du CCM, le royaume a contribué à produire une quarantaine de films africains. “Ces œuvres n’auraient pas vu le jour sans l’aide du Maroc, qui a mené une politique de soutien à la création sur notre continent”, nous confie un réalisateur malien.

C’est le roi qui le dit : “Jamais l’Afrique n’a été autant au cœur de la politique étrangère et de l’action internationale du Maroc”. La réintégration de l’Union africaine a été minutieusement préparée. La motion de soutien au Maroc déposée par 28 pays africains est une excellente nouvelle, et on serait mal inspirés de ne pas s’en réjouir. Il n’y a qu’une escouade de journalistes algériens hostiles au Maroc, aux réparties parfois insultantes, pour prétendre à un échec du royaume. Ces antiennes propagandistes ne sont pas surprenantes vues d’ici. Nous avons les mêmes. Elles disent surtout qu’une lutte au long cours se prépare avec l’Algérie.

L’heure n’est donc pas encore au triomphalisme pour le Maroc. Surtout que de grandes capitales manquent à l’appel pour le soutenir. Le Caire, Nairobi ou Abuja, autant de poids lourds diplomatiques au sein de l’UA, ne se sont pas encore prononcés officiellement. Maintenant que les intentions marocaines sont affichées, que notre diplomatie a fait preuve de pragmatisme en ne conditionnant pas – du moins pas officiellement – son retour au sein de l’UA par le départ de la RASD, il va falloir de l’endurance pour remporter la bataille.

Et surtout, le Maroc - roi, gouvernement et peuple -  doit défendre la cohérence de sa cause nationale. Notre projet, qui doit faire l’objet d’une délibération démocratique et sereine, ne peut se fonder sur une logique d’exclusion de toutes les voix dissidentes, mêmes sahraouies. Le Maroc ne retrouvera pas sa pleine souveraineté sur le Sahara en pariant seulement sur la défaite du Front Polisario. Le projet que nous espérons défendre est celui d’un Maroc démocratique, ouvert sur l’autre, sur ses voisins, sûr de lui et respectueux de ses contradicteurs. Un pays humble et renforcé par les revers subis, mais fier d’une histoire assumée. Un Maroc confiant, car animé par une cause juste.