Mes chers amis, je suis au regret de vous annoncer que Zakaria Boualem ne pense strictement rien du vote des Britanniques au sujet de l’Union européenne. Walou, le trou noir. Il aurait pu, le bougre, vous emballer cette vacuité dans quelques bons mots, ou à défaut ironiser sur le concept de référendum, mais il n’en a pas la force. Comme tout le monde, il a constaté la multiplication des petites images virales à vocation humoristique, c’est désormais le cas à chaque évènement mondial. Ça n’a rien changé à l’affaire : il ne pense rien, c’est tout, et merci.
Il tient également à préciser qu’il ne pense rien non plus des élections américaines, qu’il se fout des grèves en France, et que même l’Euro a le plus grand mal à l’arracher à cette effroyable apathie. Il aurait pu, en revanche, s’indigner sur cet abominable rapport qui circule et qui place le Maroc et son éducation nationale dans les ténèbres des classements mondiaux. C’est un sujet très riche, pourtant. Il aurait pu lister vaillamment les plans d’urgence, les commissions penchées et autres plans d’action qui n’ont pu empêcher nos écoles de plonger dans les abysses. Ça aurait pu lui faire une page facile. Mais il ne le fera pas. Pas parce qu’il ne pense rien, pas vraiment, non. Plutôt parce qu’il a acquis la certitude de l’inutilité profonde d’une telle démarche. Longtemps, il a geint, grogné, protesté, ironisé, et même gesticulé dans l’espace public – il regrette beaucoup ce temps perdu. Puis il a regardé autour de lui et constaté que, globalement, il n’y avait pas de quoi en faire un fromage. Tout le monde a l’air de trouver ce qui se passe ici absolument normal. Il ne voit donc pas au nom de quelle espèce d’exigence il devrait se distinguer des autres. Après tout, il n’y a aucune raison particulière pour qu’il ne fasse pas comme les autres et qu’il accepte les choses telles qu’elles se présentent. Notre école est catastrophique ? Allons chez les Espagnols ou les Italiens. Ils sont horriblement chers ? Il y a le privé. Ils sont anarchiques ? Essayons les Français. Il y a du piston ? Pourquoi ne pas l’envoyer accoucher à l’étranger ? Ils ne veulent pas la laisser embarquer ? Il y a le bateau. Et le visa ? On va trouver une solution. Bref, il y a toujours une option, qui ne réclame rien à notre glorieux système. Tout, plutôt que de mettre la pression sur les nôtres. La résignation est totale. Et c’est valable pour tous les aspects de nos services publics. Abdallah a un problème de santé ? Qu’il consulte. Son opération coûte huit mille dirhams ? Organisons une collecte. Nous n’avons réuni que six mille dirhams ? Allons embrasser la tête du médecin, il va faire une réduction. Il descend à sept mille ? Essayons cette association, sinon je connais très bien un pharmacien qui nous fera des facilités. Bref, on va s’arranger entre nous, on ne va pas vous déranger, ne vous inquiétez pas pour nous, on a l’habitude.
Il faut rappeler que nous sommes un pays où, en cas de gros accident de la circulation, on annonce que les blessés ont été transportés par ambulance et pris en charge à l’hôpital, aux informations nationales. C’est dire si la démarche est exceptionnelle. Et si un hélico se déplace, ya salam, alors on nous fait bien sentir qu’il faut être bien conscient des efforts qu’on fait pour nous, troupeau d’ingrats inciviques. Tout cela, les Marocains l’ont intégré depuis longtemps : nous partageons tous la certitude de ne pas valoir grand-chose dans notre pays. Tout cela, Zakaria Boualem l’a déjà écrit un nombre important de fois, il n’y a rien de nouveau dans les lignes qui précèdent. Non, ce qu’il a compris récemment, c’est que les gens n’ont pas de problème particulier avec cette situation, c’est étonnant. Autour de lui, encore une fois, c’est l’ère de la résignation. Du moins sur ces sujets. Pour secouer un peu les consciences, il faut aborder des thèmes comme le derrière de Jennifer Lopez 7achakoum ou les gens qui mangent pendant le ramadan. Là, oui, on sent la révolte gronder, c’est incontestable. La gestion des priorités ici est un mystère, mais, encore une fois, il faut se contenter de l’accepter. On y verra plus clair après l’aïd, et merci.