Approchez-vous les amis, c’est un Zakaria Boualem proche du règne végétal qui vous accueille cette semaine dans les pages récréatives de cet estimable magazine. Il faut qu’il vous avoue qu’il se régale avec l’Euro. Bien entendu, il n’est pas question de football, ce qui se passe sur le terrain est dénué du moindre intérêt. Les matchs sont lents, lourds, on dirait une sorte de Botola filmée en HD. Et puis, cette formule transpire l’arnaque, mais il n’a pas le temps de vous faire une démonstration, revenez après le ftour.
Non, le grand spectacle se joue dans les rues et les tribunes. C’est splendide. Mettons-nous bien d’accord, nous parlons bien d’un tournoi de football regroupant les nations européennes. La crème de l’humanité, le top de la civilisation, la classe totale. Ceux-là mêmes qui ont peur de l’invasion des barbares de Syrie, qui se demandent comment protéger leurs valeurs à longueur d’émissions télé, et qui avaient peur de confier une Coupe du Monde à l’Afrique pour des raisons de standing. Un petit ricanement s’impose. À Marseille, les Russes et les Anglais se sont affrontés toute la nuit, un casting de luxe pour une bataille aux accents napoléoniens. Ils ont semé la désolation dans la ville. Il suffit de regarder les images pour se dire que ceux que nous appelons ici les hooligans peuvent aller s’entraîner, ils sont ridicules en comparaison. À Nice, un casting moins prestigieux, mais tout aussi brutal a opposé les Polonais et les Irlandais, tous abondamment alcoolisés. Les Croates, eux, ont balancé une bombe agricole en plein match, précipitant au passage la chute de leur équipe. Il est bien possible que vous soyez comme Zakaria Boualem, qui n’avait pas la moindre idée de ce qu’était une bombe agricole, jusqu’à en voir une exploser sous le nez d’un malheureux stadier. Avant ce moment, il hésitait entre une campagnarde à la cambrure spectaculaire et aux yeux de braise, ou une vague bota déclenchée par un sebsi et manipulée par un 3aroubi à moustache. Ce n’est pas tout. Les Hongrois ont déclenché des fumigènes, les Turcs aussi, ça commence à faire beaucoup. Ah oui, Zakaria Boualem a oublié de vous préciser que cette affaire se passe en France, c’est-à-dire dans un pays qui vit en état d’urgence, sur les nerfs à cause de la menace terroriste. Eh bien, on peut y faire entrer des fumigènes au stade, et des explosifs, tranquille. On nous a cassé les oreilles avec les problèmes de sécurité en Afrique du Sud et on n’a pas vu le moindre fumigène pendant leur Coupe du Monde. Pareil au Brésil, où l’on s’attendait à une guerre civile. Elle a donc eu lieu en France, ce qui sera sans doute insuffisant pour la convaincre de renoncer à donner des leçons au reste du monde.
Zakaria Boualem ricane, les amis. Maintenant, un tuyau pour terminer : intéressez-vous d’urgence à la Copa America, c’est un spectacle d’une autre intensité footballistique que celui que propose Euro tristouille. Le combat, là-bas, est sur le terrain – et c’est bien plus logique. Des équipes de tatoués, surtestostéronés, se rentrent glorieusement dans le lard sous l’œil impavide d’un arbitre qui, comme les gendarmes chez nous, ne siffle que s’il voit du sang. Au final, c’est un spectacle haletant, où les calculs d’épicier, de gagne-petit, et les stratégies étriquées sont remplacées par de prodigieuses chevauchées, des prises de risque audacieuses et un rythme trépidant. Le tout devant des tribunes pacifiées où le seul trouble à l’ordre public peut éventuellement provenir de la plastique provocante des Colombiennes ou des Argentines.
C’était le conseil de Zakaria Boualem de la semaine. Nous entrons dans la dernière partie du ramadan, une période délicate. Restez donc souples sur vos appuis, et vigilants en toute occasion. Et merci.