« Persécution », le mot revient sans cesse, et sur toutes les lèvres. Yenja Khatat, président istiqlalien de la région de Dakhla, n’y va pas avec le dos de la cuillère : « Les “imposteurs” qui m’ont fait tomber mettent en péril l’affaire du Sahara. Notre loyalisme est uniquement pour le roi, pas pour quelqu’un d’autre », lance-t-il dans une interview accordée à Al-Massae dans son édition du jeudi 16 juin. Qu’est-ce qui soulève autant l’ire de ce grand ponte du Parti de l’Istiqlal ? Le président de région avait été démis de son poste « pour résidence quasi-permanente à l’étranger », par décision administrative du ministère de l’Intérieur, puis réhabilité à la tête de la région, mais un jugement définitif n’a pas encore été prononcé. Une affaire où les cadors du parti trouvent matière à plaintes et à récriminations.
Il s’agit pour l’élu istiqlalien d’un « acharnement à peine concevable » et l’expression d’une volonté qui vise « à étouffer le parti de la balance », poursuit-il dans cette même interview. Dans une conférence de presse tenue le 14 juin, le secrétaire général de l’Istiqlal, Hamid Chabat a évoqué cette affaire et a plaidé pour sa part pendant deux heures contre ceux qui visent, selon ses dires, son parti et ses valeurs. « Le parti de l’Istiqlal est la cible d’un acharnement aussi bien politique que judiciaire », estime le tonitruant chef du parti. L’autre poids lourd du parti, l’élu dans les provinces du sud, Hamdi Ould Errachid, y est aussi allé de ses critiques. « Ce que le président de la région de Dakhla a subi est une injustice et une insulte qui touche le parti de l’Istiqlal et toutes ses institutions», a-t-il déclaré.
Des sources concordantes au sein du parti de l’Istiqlal ont révélé à Telquel.ma, en marge d’une réunion du comité exécutif tenue le 13 juin que le parti se trouve dans un état d’exaspération et d’ébullition interne, suite à l’affaire du président de région, mais aussi aux décisions judiciaires émises le 7 mars 2016 par le Conseil constitutionnel et le Tribunal de première instance d’Agadir, d’annuler l’élection de six parlementaires de la deuxième chambre, ainsi que les poursuites judiciaires engagées contre le président de la municipalité d’Oujda Omar Hjira et le parlementaire, membre du comité exécutif et président du Syndicat national de la presse marocaine (SNPM), Abdellah Bakkali.
La réunion du comité exécutif a duré plus de trois heures et a été marquée par des délibérations bouillonnantes, dans la mesure où certains membres du Comité exécutif ont exigé le retrait du parti de toutes les institutions élues, tandis que d’autres ont appelé à boycotter les prochaines élections législatives du 7 octobre. Devant ce ton de virulence, une autre approche a émergé au sein du Comité exécutif qui invite à la retenue et au discernement, avançant que le langage de la « menace et de l’escalade » ne serviraient pas les intérêts de la patrie.
Dans une déclaration à TelQuel sur la réalité du conflit et du différend entre le parti de l’Istiqlal et le ministère de l’Intérieur, Abdellah Bakkali, membre du Comité exécutif et responsable du journal Al Alam, porte-parole du parti , a affirmé que « le PI détient nombres d’indices qu’il est attaqué à des fins purement politiques et électoralistes, dont on peut citer la diligence avec laquelle le Conseil constitutionnel a émis des verdicts contre des élus istiqlaliens, et d’une manière surprenante et anormale ». Dans la même veine, Abdellah Bakkali a révélé que la direction du parti est « surprise par le fait que la plupart des sentences émanent des tribunaux de la ville d’Agadir, dont la plus étonnante reste la destitution du président de la région de Dakhla Yanja Khatat, se basant sur des éléments saugrenus comme des documents étrangers pour justifier le verdict contre le concerné, sans tenir compte des documents officiels nationaux, ce qui est déconcertant et inquiétant », estime-t-il.
Ould Errachid et « Gdeim Izik 2 »
La réunion du Comité exécutif du Parti de l’Indépendance, selon plusieurs sources qui y ont assisté, était marquée par la présence de la plupart des membres du Comité exécutif, y compris le président de la région de Laâyoune, Hamdi Ould Errachid, qui est allé jusqu’à considérer la destitution de Yanja Khatat de la présidence de la région de Dakhla Oued Eddahab comme « un second Gdeim Izik », en référence aux tensions entre les partis, notemment le PAM et l’Istiqlal, qui avaient prévalu à l’époque.
Après l’évaluation de la situation et les concertations menées, le Comité exécutif du Parti de l’Istiqlal a décidé, lors de sa dernière réunion extraordinaire présidée par le secrétaire général du parti Hamid Chabat et marquée par l’absence du triplé (Yasmina Baddou—Karim Ghellab—Taoufiq Hjira), d’opter pour une prise de position véhémente. Il a été décidé de convoquer une session extraordinaire et urgente du Conseil national du parti (le plus haut organe décisionnel du parti après le Congrès général) le 25 juin, s’accorder sur la position officielle qu’adoptera le parti après les récents événements.
À noter que les élus istiqlaliens virés de la deuxième chambre on été accusés de « corrompre le processus électoral pour acheter des votes » par le PAM et le ministère de l’Intérieur. Une accusation rejetée par le PI, qui considère que la formation de Allal El Fassi est victime du déchaînement et du mépris de plusieurs parties, surtout à l’approche des élections du 7 octobre.
Le membre du Comité exécutif Lahcen Falah, considère que l’Istiqlal « est bien pourvu pour faire face à tous les défis et à toutes les tentatives qui visent le parti, et que la session extraordinaire du Conseil national du parti le 25 juin sera l’occasion de discuter des moyens pour faire face à tous ces développements qui prennent à partie le parti de l’Istiqlal. »
S’agit-t-il de premiers accrochages électoraux ? En tout cas, l’Istiqlal ne cache pas sa rancune et son ressentiment envers le parti d’Ilyass El Omari qu’il accuse de tous les maux. La réunion extraordinaire du dernier Comité exécutif du Parti de l’Istiqlal s’est soldée par un communiqué au ton ferme, qui va même jusqu’à menacer de « boycotter les prochaines élections si ces agissements subsistent », préfigurant une confrontation avec pertes et fracas contre le PAM. Le communiqué exprime aussi une solidarité inconditionnelle avec tous les élus du parti poursuivis. Le communiqué de la direction du parti a insisté, dans une allusion à peine voilée au PAM, que « certains aspirent à tuer le multipartisme politique, et le retour aux temps du parti dominant, ce qui aura de graves conséquences sur la démocratie et la stabilité du pays » et « la démolition des valeurs de la concurrence politique et électorale ».
Nabil Benabdellah apporte son soutien à Hamid Chabat
Parmi les décisions et les positions politiques enregistrées dans le communiqué du Comité exécutif du parti, figure l’attachement à sa position politique actuelle qui consiste en un soutien critique au gouvernement Benkirane et son parti ainsi que le désengagement avec le PAM et l’alliance de l’opposition, qui rassemblait le PI, le PAM, l’USFP et l’UC. Le communiqué du parti a noté que la formation « restera campé sur ses positions » ce qui exclu toute alliance avec le PAM pour les prochaines élections législatives.
La mobilisation exceptionnelle qui a prévalu dans le siège du parti de l’Istiqlal a connu la présence du Secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme, et ministre du logement et de la politique de la ville, Nabil Benabdallah. Il a rencontré Hamid Chabat immédiatement après la réunion du Comité exécutif et a exprimé le soutien du PPS à l’Istiqlal, selon des sources istiqlaliennes présentes sur place. La rencontre entre les deux chefs de parti a conclu à «la nécessité de réhabiliter la Koutla et de travailler pour la relancer le plus tôt possible dans le but de former un front uni contre le PAM et défendre le processus démocratique». Il est prévu que les directions des deux partis tiennent une réunion commune pour discuter des moyens de coordonner les consultations sur les futurs échéances politiques au cours des prochains jours, ajoutent les mêmes sources.
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