Zakaria Boualem et les travestis de Marrakech

Par Réda Allali

Salut à vous les amis. Pour commencer, Zakaria Boualem souhaite saluer le panache inouï de notre glorieux ministre de la Communication, qui a annoncé cette semaine se lancer dans une bataille contre Google et Facebook.

Il y a quelque chose de très beau dans cet hommage à Don Quichotte, une sorte de romantisme qu’on n’attendait pas vraiment de sa part. La raison de la colère est encore plus touchante : il s’agit de “protéger l’entreprise de presse marocaine face à la concurrence des acteurs globaux de la publicité en ligne”. Autrement dit, on veut augmenter les émoluments de Zakaria Boualem, jugés insuffisants, c’est une attitude louable et inattendue. Attaquer Google pour protéger notre héros, merci beaucoup, mais il y avait sans doute des méthodes plus simples. Ce qu’il faut retenir de cette information étonnante, c’est que nous passons à l’offensive, les amis. Après avoir fait vaciller les certitudes de Ban Ki-moon et ébranlé le royaume de Suède, c’est maintenant au tour de Google et de Facebook de trembler – le tout venant s’ajouter aux traditionnels ennemis de la nation, ceux qui nous jalousent depuis des siècles. Suivons donc cette affaire, les amis, elle porte en elle quelques belles promesses de situations absurdes, et merci.

Pendant ce temps, la bonne ville de Londres a élu à sa tête un maire musulman. Oui, c’est bien ainsi que ce Sadiq Khan a été présenté par la presse, en particulier en France. Là-bas, les médias n’évoquent jamais la religion de leurs candidats sauf s’il s’agit de l’islam. On n’a jamais entendu parler en première page des journaux français du “juif Fabius”, par exemple. Il est même possible qu’une telle grossièreté relève du pénal. Mais avec l’islam, al hamdoulillah, ce genre de contraintes pénibles disparaît, on ne risque pas grand-chose, on prend ses aises, on se lâche tranquille… Après tout, on parle bien d’un troupeau de terroristes arriérés, non ? Des gens insolubles dans la démocratie, accrochés corps et âme à leurs archaïsmes, qui éprouvent une joie malsaine à couper des têtes ou des mains, quand ils ne se livrent pas à quelques turpitudes sexuelles autorisées par leurs traditions lubriques ? Que méritent ces sauvages sinon d’être constamment méprisés, humiliés dans ces médias modernes ? Du coup, dans l’ambiance de lâchage général, certains ont vu dans cette élection les prémices de ce qu’ils appellent “le grand remplacement”, le Ya Salam s’impose. Il n’est pas ici question d’analyses avinées lancées sans conviction au sortir d’un lourd apéro, mais bien de déclaration d’hommes publics, il y a bien quelque chose de pourri au royaume de Johnny, mais ce n’est pas nouveau.

Terminons sur une note enjouée en saluant la bonne ville de Marrakech et ses habitants, à l’honneur ces dernières semaines. Il y a eu pour commencer le magazine Playboy, qui est venu réaliser une chaude séance photo dans la vieille ville. Ils s’en sont félicités avec ingénuité sur les réseaux sociaux, sur le thème de la “sexy hot Marrakech”, avec d’autres vocables que la morale réprouve. Ils ont toutefois été inspirés d’attendre de quitter le pays pour s’en vanter, c’est tant mieux pour eux. Et tant pis pour nous : on aurait bien voulu voir nos responsables chassant la playmate dans les dédales de la ville ocre, avant de nous donner quelques déclarations embarrassées, mais historiques, dont ils ont le secret. Non, donc, ils ont été discrets, contrairement à ce troupeau de touristes européens mâles qui, pour festoyer, n’ont rien trouvé de mieux à faire que de se déguiser en femmes. Ils ont été dûment interpellés et ramenés à la raison. Notons que cet affront à l’étanchéité des genres s’est produit à Jamaâ El Fna, c’est-à-dire là où des danseurs travestis officient tous les soirs et ondulent peinards sur une kamanja monocorde. Mais ce n’est pas pareil : nos travestis sont traditionnels, c’est toute la différence. Il n’y a rien à ajouter. C’est tout pour cette semaine, et merci.