Les coulisses de l’information devraient être plus souvent dévoilées aux citoyens. Certaines mésaventures de journalistes méritent d’être narrées tant elles servent de baromètre de notre démocratie. Chaque jour des “sources” nous surprennent. Il y a ce dirigeant d’entreprise publique, offusqué qu’un journaliste l’appelle pour lui poser des questions. Après tout, est-ce sa mission de répondre à la presse ? Puis il y a ce ministre islamiste qui interdit à tout son département de répondre aux sollicitations d’un journal, qui ne l’a pas assez “mis en avant” dans un dossier traitant de son secteur. Et que penser de cet homme d’affaires et politique qui bloque la distribution d’un titre critique sur son business ?
Telle autre personnalité influente coupe le robinet de la publicité pour un mot déplaisant. Un autre personnage, tout aussi imbu de son importance, vous menace de procès si des informations dérangeantes pour lui venaient à être révélées. Puis, ce grand promoteur immobilier qui multiplie les pressions, même familiales, pour faire cesser une enquête. Il y a aussi cette influente lobbyiste qui salit la réputation des journalistes qui, selon elle, n’écrivent que lorsque l’argent suit. Un homme “de gauche” aux accusations faciles traite tous les membres de la profession de mercenaires. Tant pis si les preuves n’accompagnent pas les propos. L’insulte d’abord, le mépris toujours. Il y a tant d’exemples quotidiens. Et il y a aussi la peur, celle qui vous prend aux tripes quand il s’agit de certains sujets. Les plus puissants amis du roi, les gestionnaires de sa fortune, les cercles sécuritaires, le prince dissident, les conflits d’intérêts, etc. Et, il faut le dire, il y a plus de liberté à traiter de sujets liés au monarque qu’à son entourage.
Chacun comprend la nécessité pour les personnalités de pouvoir de contrôler leur communication dans un paysage médiatique friand de polémiques, parfois peu regardant sur la vérification et le recoupement des faits et à l’affût du buzz. Mais il s’agit ici de tout autre chose. Nos puissants ne voient aucun intérêt dans le bon fonctionnement des médias. Bien sûr, les exceptions existent et méritent d’être honorées. Elles se trouvent au sein même du cabinet royal, parmi des conseillers que certains qualifieraient de “transparents”. Dans les cabinets des princes aussi. Elles sont dans notre diplomatie, incarnées par des cadres sûrs de leurs compétences. Nous avons la chance de compter aussi de grands hommes d’État didactiques, soucieux d’expliquer aux citoyens le bien-fondé des réformes. Ceux-là devraient montrer l’exemple aux premiers. Il ne s’agit pas ici de laisser parler une fièvre corporatiste. Mais doit-on rappeler que le bon fonctionnement des médias est un gage de démocratie ? On peut à bon droit polémiquer sur la qualité de la presse nationale. Mais une chose est sûre : la médiocrité, le contrôle et la faiblesse des médias disent la mauvaise santé d’un pays. Autant dire que le Maroc n’est pas en grande forme.