Sadiq Khan, le nouveau maire de Londres dont la religion fait jaser

Sadiq Khan est devenu le 6 mai le nouveau maire de Londres. Fils d'un chauffeur de bus pakistanais, il promet une politique sociale pour la capitale anglaise. Portrait.

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Sadiq Khan peut savourer sa victoire : à 45 ans, ce fils d’un chauffeur de bus pakistanais devient le troisième maire de Londres depuis la création de cette fonction en 2000 et le premier maire musulman d’une grande capitale occidentale. «Cette élection ne s’est pas passée sans polémiques, et je suis fier de voir que Londres a choisi aujourd’hui l’espoir plutôt que la peur, l’unité plutôt que la division», a déclaré l’élu travailliste après l’annonce officielle de sa victoire sur le conservateur Zac Goldsmith avec 57 % des suffrages, sous les applaudissements et les acclamations de ses sympathisants. «J’espère que les résultats (de l’élection) encourageront les jeunes, les Londoniens musulmans et ceux venant d’autres minorités, à s’engager dans la société civile et dans la politique», a-t-il ajouté sur Sky News après sa prestation de serment le 7 mai.

Pourtant, il y a quelques mois encore, il disait n’avoir «jamais imaginé» être choisi pour concourir à ce poste. Il n’est pas le seul, dans un pays où la politique reste l’apanage d’une certaine élite, façonnée au moule d’Eton et des universités de Cambrige et Oxford. Lui a fréquenté le lycée public de son quartier, pas franchement réputé, et l’université de North London. De cette éducation publique et gratuite, il se dit très reconnaissant. «Je dois tout à Londres», répète l’homme aux origines très modestes.

Des HLM à Downing Street

Sadiq Khan est né en 1970 dans une famille pakistanaise alors immigrée au Royaume-Uni depuis peu. Il a grandi dans un lotissement HLM à Tooting, quartier populaire du sud de Londres, avec ses six frères et sa sœur. Son père était chauffeur de bus, sa mère couturière. À l’école, il veut d’abord étudier les sciences pour devenir dentiste. Mais un de ses professeurs a repéré son don pour les joutes oratoires et l’oriente vers des études de droit. Il sera donc avocat, spécialisation droits de l’Homme, ce qui lui vaut de présider pendant trois ans l’ONG Liberty.

Dans la rue aussi, Sadiq Khan est accrocheur : enfant, il fait de la boxe pour pouvoir plus facilement rabattre le caquet de ceux qui osent le traiter de « Paki ». À 15 ans, il adhère au parti travailliste. Il est élu conseiller municipal de Wandsworth, dans le sud de Londres, en 1994, jusqu’en 2006. En 2005, il abandonne sa carrière d’avocat pour se faire élire député de Tooting, où il vit toujours, avec sa femme Saadiya, avocate, et ses deux filles adolescentes.

Trois ans plus tard, Gordon Brown lui offre le poste de ministre chargé des communautés, puis celui des Transports l’année suivante. Il devient le premier musulman à siéger au cabinet d’un Premier ministre britannique. Du haut de son 1m65, l’homme à la chevelure poivre et sel affiche une énergie et une volonté à toute épreuve. Sa victoire aux primaires travaillistes pour la mairie de Londres contre Tessa Jowell, la ministre déléguée aux jeux Olympiques sous Tony Blair, a surpris beaucoup de monde. Mais pas son entourage.

Pro-mariage homosexuel

«Il ne perd jamais», a déclaré un de ses conseillers au quotidien en ligne Politico. L’an dernier, le Labour londonien, sous sa houlette, a amélioré son score aux élections législatives alors que le parti essuyait une déroute au niveau national. Cinq ans plus tôt, c’est lui qui avait dirigé la campagne d’Ed Miliband pour la tête du parti. Ed l’avait emporté contre son frère David, pourtant archi-favori. Pendant la campagne électorale londonienne, face aux violentes attaques des conservateurs, qui l’ont accusé d’accointance avec les extrémistes islamistes, il s’est dit « déçu » mais a évité la surenchère. Il s’est contenté de rappeler qu’il a toujours dénoncé le radicalisme, a voté pour le mariage homosexuel — ce qui lui a valu des menaces de mort — et a fait campagne pour sauver son pub de quartier.

Sadiq Khan a promis une politique sociale : il veut construire davantage de logements abordables et geler les tarifs des transports pendant quatre ans. Mais il se revendique aussi « pro-business », et s’est engagé à défendre les intérêts de la City, en premier lieu en faisant campagne pour rester dans l’Union européenne. «La peur ne nous apporte pas plus de sécurité, elle ne nous rend que plus faibles, et la politique de la peur n’est tout simplement pas la bienvenue dans notre ville», a-t-il ajouté lors de son discours dans la nuit de vendredi à samedi.

À ceux qui le voient désormais en position de briguer la tête du Labour et dans la foulée le poste de Premier ministre, il affirme ne pas avoir cette ambition. Maire de Londres, « c’est une fin en soi », a-t-il confirmé.

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