Quand des écoliers de l'Atlas vont sur les bancs norvégiens

Des jeunes issus d’un village reculé de l’Atlas ont découvert l’éducation à la norvégienne lors d’un voyage, avant d’accueillir en retour de jeunes européens chez eux.

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Les jeunes ont tour à tour présenté leur pays.

L’ouverture. Voilà le but de cette initiative. Dix jeunes du village d’Adghagh, dans la province d’Ifrane, sont partis en Norvège à la rencontre de jeunes de leur âge. La plupart d’entre eux ne sont jamais sortis de leur région, le dépaysement était donc de taille. Tout a commencé par le passage d’un certain Joshua. L’Américain volontaire du Corps de la paix a vécu deux ans de ce village. Ensuite, c’était au tour de la jeune Lamia Bazir de s’attacher à la localité. Alors, quand elle s’envole pour réaliser un master aux États-Unis, les femmes du village lui demandent de retrouver l’Américain, permettant aux pièces du puzzle de s’assembler. Les deux bénévoles se mettent d’accord pour faire voyager, en avril dernier, une poignée d’ados d’Adghagh à Tingvol, en Norvège, où réside maintenant le fameux Joshua.

«La plupart ne sont jamais allés à Rabat. Pour eux, la capitale du Maroc, c’est Ifrane. Ils voulaient voir le train, donc imaginez dans quel état ils étaient lorsqu’ils sont montés dans l’avion», nous explique Lamia Bazir. Sur place, pendant dix jours, les jeunes âgés de 13 à 17 ans ont suivi des cours et participé à des activités extrascolaires. Une expérience qui tranche avec leur scolarité, parfois un peu monotone et pas très stimulante. Le pyjama avant d’aller se coucher, respecter la file d’attente ou encore la nourriture : la découverte était aussi du côté de la vie quotidienne. D’autant plus qu’ils ont été accueillis dans des familles. «Ils ne parlent ni anglais ni français mais tout s’est très bien passé. Ils communiquaient avec les jeunes norvégiens et leur famille avec le langage des signes», nous raconte Ilham Hajji, qui les a accompagnés et jouait les interprètes. «Ce qui les a peut-être le plus surpris, c’est qu’en Norvège, il n’y a pas de séparation entre les filles et les garçons. Là bas, les filles ont eu l’opportunité de parler aux garçons, alors qu’elle ne l’ont pas dans le village», nous détaille la jeune volontaire.

Un nouveau souffle dans le village ?

Parce que seule une poignée de jeunes ont eu le privilège de l’expérience, financée, entre autres, par l’Union européenne, une journée d’échange a été organisée dans le village. Alors que les jeunes norvégiens étaient également présents, les ados partis à Tingvol ont pu raconter leur expérience aux quelques 200 enfants de l’école. Des cartes leur ont été offerts, ils ont maintenant davantage conscience de leur situation géographique : un premier pas vers la connexion au reste du monde. «Avec du nouveau matériel, des squelettes, des ballons, ils vont vers une éducation plus innovante et plus interactive», résume Lamia Bazir. Et elle l’assure : ce nouveau souffle va pouvoir se pérenniser tant les enseignants sont motivés par l’idée. «Les élèves habitent parfois loin. Quand ils arrivent à l’école, ils sont essoufflés. Mais maintenant les élèves regardent déjà l’école différemment», estime-t-elle.

Parmi les ateliers suivis en Norvège: une initiation à l’énergie solaire avec exercices pratiques, qu’ils pourront normalement mettre en application dans peu de temps. Un hammam fonctionnant à l’énergie solaire devrait bientôt voir le jour dans le village et les enfants impliqués dans ce programme pourront participer à son installation. C’est que les initiatives se multiplient dans la localité. Les femmes, aujourd’hui organisées en association, sont à la tête d’un projet de création de centre multifonction. A terme, le lieu devrait abriter un centre de soin, un bureau de service, et le fameux hammam. Pour Lamia Bazir, l’idée est de «promouvoir le leadership des femmes». «Il ne s’agit pas d’un projet par les femmes pour les femmes mais par les femmes pour toute la communauté», conceptualise-t-elle.

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