Primaire à gauche, le consensus difficile

Une association a récemment émis l'idée d'organiser des primaires ouvertes à gauche. Son appel est resté peu entendu. TelQuel reprend le débat.

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Le document est presque passé inaperçu et depuis sa parution, n’a pas reçu de retour. En février dernier, l’association Anfass a publié une “invitation à organiser des primaires ouvertes au sein de la gauche”, alors que les partis continuent à confier à des commissions internes spéciales ou à des comités locaux le soin de choisir qui les représentera dans la course aux voix et à réserver par tradition le poste de chef du gouvernement à leur secrétaire général, choisi en interne. Des primaires ouvertes  —un système qui fait toujours plus d’émules à travers le monde — elles, offriraient la possibilité à n’importe quel citoyen de donner son avis sur le leadership à gauche.

L’idée enthousiasme

Sur le papier, pour les militants de gauche, des primaires pourrait se révéler utiles à plusieurs titres. Elle permettrait de se présenter comme une force réellement démocratique, laissant à chacun la possibilité d’exprimer son avis, en amont même des élections. Il s’agirait aussi, selon Souhail Chentouf, un des principaux rédacteurs de l’appel d’Anfass, de “recentrer la pratiques politique autour de la concurrence des projets et des débats d’idées”. D’autre part, des primaires seraient le moment pour imposer dans les médias et à travers l’opinion publique des sujets majeurs de gauche. Sur ce point, Nabila Mounib, secrétaire générale du Parti socialiste unifié (PSU) concède qu’en effet, ce serait la solution idoine pour “faire connaître les programmes et les différentes sensibilités de gauche”.

Si Mounib semble enthousiasmée par le principe, il n’est pas certain que les primaires ouvertes soient du goût de tous. Zouhaïr Aït Benhamou, blogueur et féru de statistiques campé à gauche commente : “Nous avons encore un système de sélection des candidats très centralisé, soit au niveau des instances nationales, soit par les militants eux-mêmes. Je ne pense pas que ce soit une idée discutée par les partis, elle est très étrangère à leur tradition”. Pour Chentouf, en effet, “la plus grande difficulté réside dans la résistance de certains leaderships politiques à accepter ce nouveau concept démocratique qu’est le droit du citoyen à choisir son candidat”.

 … Reste la faisabilité

Il y a le principe. Reste la faisabilité. Des primaires, c’est de l’organisation. “Nous appelons les organisations de la société civile progressiste, syndicats et associations, à veiller au bon déroulement de ces primaires”, explique Chentouf, qui précise :  “Notamment pour le dépouillement et la mise à disposition de locaux pour les débats et les jours de vote”. L’appel d’Anfass semble ignorer les défis logistiques que seraient des primaires à organiser dans chaque circonscription”, répond malgré tout un militant USFP.

Et un point majeur reste soulevé par tous les personnes interrogées : l’adéquation entre le système politique marocain et le principe de primaires. “Anfass conçoit ces primaires comme une sorte de répétition générale des élections législatives, où plusieurs candidats s’affronteront pour désigner le meilleur candidat de la gauche à la primature. Le vainqueur, fort de la légitimé citoyenne acquise, devra par la suite lancer la dynamique unitaire d’élaboration du programme électoral commun et de désignation des candidatures communes pour les législatives”, explique Chentouf. Aït Benhamou ne cache pas son étonnement devant ce choix, “alors que le Maroc reste sur le papier une monarchie parlementaire, ce sont les parlementaires qui font le leader, et non le contraire”.

Mounib admet : “En l’état, la faisabilité semble compliquée. D’autant plus qu’on sait que certains sont prêts à tout pour phagocyter les initiatives citoyennes de gauche. Ils pourraient profiter d’un moment d’ouverture pour essayer d’affaiblir la gauche”.

En attendant…

Le principe des primaires plaît aux bonnes âmes mais ne convainc pas les esprits pratiques. “À mon avis  les partis de la gauche ne sont pas encore mâtures pour de tels primaires” concède Bouchra Rhouzlani, militante du PADS, pour qui l’espoir vient “du projet de la Fédération de la gauche démocratique [FDG, qui réunit PSU, PADS et CNI, ndlr], un premier pas vers une unité de gauche”. En effet, le principe de liste commune dans chaque circonscription pour trois partis semble déjà susciter de l’intérêt chez les électeurs de gauche.

Même son de cloche chez Habib El Malki, élu et figure de l’USFP. “L’idée est enthousiasmante, mais il faut avancer graduellement. Déjà, poussons les jeunes à voter aux élections législatives et renforçons les partis. Des primaires demandent une gauche à la fois très unie, et ouverte aux différents courants et un intérêt aiguë pour la question électorale. Je ne suis pas sûr que nous soyons en mesure de relever un tel défi”.

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