Le Bulletin officiel du 28 avril 2016 comporte un arrêté concernant la structure des prix du gaz butane. Il n’a pas fait l’objet de débat public et n’a été accompagné d’aucune communication de la part du ministère des Affaires générales, qui en est l’auteur.
Face à ce silence et à un texte complexe, la presse s’est inquiétée de savoir s’il n’allait pas s’accompagner d’une hausse du prix du gaz butane. Il faut dire que la denrée est largement subventionnée par l’État, via la Caisse de compensation, pour permettre au consommateur de s’approvisionner à moindre coût (le prix d’une grande bonbonne de gaz est fixé à 40 dirhams, pour un coût sans compensation de 80 dirhams). La réponse du gouvernement n’a pas tardé tout en étant succincte et incomplète. «Le gouvernement n’a décidé aucune hausse des prix de cette matière vitale», a assuré Mohamed El Ouafa le 29 avril. Les différents opérateurs consultés confirment qu’il n’y aura pas de hausse du prix pour le consommateur. Mais que change alors cette nouvelle «structure des prix» ? «Elle instaure la libéralisation des importations», confie un opérateur du secteur. Selon ce dernier, les modifications apportées se limitent à cette partie et «la caisse de compensation continuera à jouer son rôle au niveau des prix de ventes».
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Libéralisation de l’importation
Jusqu’à présent, l’État subventionnait le gaz en intervenant à trois niveaux : importation, transport et distribution. Le gouvernement fixait aux importateurs marocains le prix de revente du gaz. S’ils le payaient plus cher que le prix fixé par l’Etat, ils envoyaient la note à la Caisse de compensation qui payait la différence. Dans le cas inverse, les importateurs remboursaient la différence à l’Etat. C’est ce qui s’appelait la «régularisation». «L’État avait instauré depuis plusieurs années la neutralité de l’importateur de gaz, il ne gagne pas et il ne perd pas non plus», explique un opérateur. C’est pour cette raison que tout importateur exerce des activités complémentaires comme la distribution ou l’emplissage des bonbonnes, génératrices de marges.
Avec cette décision, l’État supprime cette régularisation en n’intervenant plus au moment de l’importation. Il fixe toujours le prix de revente tous les mois, en revanche,«c’est à nous de nous débrouiller pour négocier» avec les exportateurs, nous explique un opérateur, sous couvert d’anonymat. Cette modification permet aussi la suppression de la «paperasse» relatives aux dossiers de régularisation qui dépassait les 1200 dossiers, note la même source. Mais au delà, les importateurs gagnent également la liberté d’importer en fonction de l’opportunité du marché avec une condition importante : «le gouvernement nous impose un stock de sécurité de 30 jours», confie un autre importateur qui a requis l’anonymat. Les opérateurs connaissent le prix fixé par l’Etat tout les débuts du mois, ils doivent gérer leurs stocks de telle sorte à ce qu’ils soient gagnant, sinon ils doivent assumer les pertes.
Environ 500 millions de dirhams d’économie pour l’État
La subvention totale (aux trois niveaux) du gaz butane par bonbonne de 12 kilos a oscillé entre 90 et 44 dirhams entre les années 2012 et 2015 (suivant sa volatilité du cours à l’international). L’État le subventionne alors chaque année entre 10 et 15 milliards de dirhams. La régularisation au niveau des importations, qui vient d’être supprimée, coûtait chaque année à l’État entre 350 millions et 700 millions de dirhams selon les données du ministère des Finances.
Le consommateur final ne sera pas touché (pour l’instant)
Le cours du gaz est en baisse depuis plusieurs années, les libéralisations se font donc moins sentir. Cette décision n’enlève pas le gros de la subvention versé à ce secteur qui reste orienté vers le client final. Mais au regard de déroulement de cette réforme tout porte à croire qu’il ne s’agit là que du premier pas vers une suppression des subventions comme cela a été le cas avec les produits pétroliers. Les discussions autour de cette décision de libéraliser l’importation du gaz ont été lancées au début de 2015. «La réforme allait passer en même temps que la signature de l’accord d’homologation des prix des produits pétroliers, mais elle a été écartée», confie une source proche du dossier. C’est ce qui expliquerait la sortie en juin 2015, du ministre Mohamed El Ouafa qui affirmait devant le Parlement que la décompensation du gaz butane se ferait la même année, contredisant d’ailleurs les déclarations de Benkirane.
Source : ministère des Finances
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