Pour chaque secteur de l’économie – agriculture, tourisme, industrie –, le scénario se répète. Invariablement, les cabinets de conseil missionnés par les pouvoirs publics nous promettent des objectifs de création d’emplois mirobolants, à coups de présentations PowerPoint. On y envisage des taux de croissance à faire pâlir d’envie les dragons asiatiques. Une fois présentés devant le roi, ces plans se transforment en parole d’évangile. Mais jusqu’à présent, ces objectifs sont restés lettre morte.
Rembobinons. Aujourd’hui, quelqu’un peut-il dire si les 5 milliards de dirhams investis chaque année par l’Etat dans le cadre du Plan Maroc Vert depuis 2008 ont porté leurs fruits ? En dehors de la flagornerie réservée au ministre de tutelle, Aziz Akhannouch, y a-t-il eu une analyse critique de cette stratégie ? Avons-nous seulement le droit de questionner les choix stratégiques de notre pays, une fois qu’ils ont reçu cette double onction, technocratique et royale? L’évaluation des politiques publiques ne peut plus être repoussée aux calendes grecques, ni réalisée en catimini. L’échec cuisant de certains de ces plans impose une prise de conscience. Le Plan Azur, par exemple, qui prévoyait l’aménagement de plusieurs stations balnéaires, grâce à 9 milliards d’euros d’investissements dans le secteur touristique, n’a atteint aucun de ses objectifs (lire dossier p. 38).
Personne ne le dit. Pourtant, un plan de relance du secteur touristique a bien été confié à un cabinet de conseil pour espérer rectifier le tir. Où sont donc les outils d’évaluation des politiques publiques ? Dans son rapport 2014 présenté au roi, le patron de la banque centrale attirait l’attention sur ce point : “Il est naturel au regard de ces résultats (faiblesse de la croissance, ndlr) de se demander dans quelle mesure les nombreuses stratégies sectorielles ont pu atteindre leurs objectifs et produire les synergies et l’élan nécessaires pour enclencher une véritable transformation structurelle de l’économie et accélérer le rythme de la croissance.” Ce constat policé sonne comme un désaveu sévère.
Il ne s’agit pas ici de dénigrer les responsables gouvernementaux, dont certains portent une ambition sincère pour les secteurs dont ils ont la charge. Leur volontarisme est salutaire pour sortir le gouvernement actuel de son immobilisme. Mais ces ministres autonomes, forts de leur lettre de mission royale, ne rendent aucun compte ni au Chef du gouvernement, ni aux médias, ni à l’opinion publique. Ils semblent avoir adopté la logique du prince qatari parodié par les Guignols de Canal+ : “La prince il parle pas à toi”. Ces hauts commis de l’Etat s’estiment au-dessus de tout contrôle démocratique. Ils sont pourtant les obligés non seulement du Palais, mais de tout un pays, y compris ses 34 millions d’habitants. @AichaAk