Au Maroc, 67 % des femmes âgées de 15 à 49 ans ou leurs partenaires utilisent un moyen de contraception, d’après les chiffres de l’enquête nationale de la population et la santé de la famille de 2011. «Dans notre pays où la population est jeune, ce taux de prévalence laisse supposer qu’une part importante des femmes n’est pas couverte par les moyens contraceptifs», estime le Pr Houssine Bouffetal, gynécologue obstétrique.
En cause, le manque de sensibilisation, à l’école notamment. Aucun site officiel marocain n’évoque le sujet. D’ailleurs, une recherche dans Google avec les mots-clés «contraception Maroc» aboutit d’abord à des articles de presse ou universitaires. Un défaut de connaissances qui peut parfois être à l’origine de grossesse non désirée. D’après une enquête du Fonds des Nations unies pour la population publiée en 2015, 7,9 % de la population entre 15 et 24 ans et qui ont eu une expérience sexuelle ont dû faire face à une grossesse non désirée. Dans ses recommandations à propos du projet de légalisation de l’avortement, le collectif Anfass estime même que la lutte contre l’avortement clandestin, à l’origine de nombreux décès, «passe par l’instauration de cours obligatoires d’éducation sexuelle dans nos écoles expliquant de façon claire […] les différents moyens de contraception.»
D’après les chiffres de l’organisation onusienne, 15 % des 15-24 ans ne connaissent aucun moyen de contraception. Si certaines femmes ne prennent pas de moyen contraceptif parce qu’elles n’en connaissent pas l’existence, d’autres en ont peur. Par exemple, les craintes autour du stérilet qui entraînerait cancers, infections, ou qui «transpercerait les autres organes» ont la vie dure, nous raconte le professeur Bouffetal.
Source : www.choisirsacontraception.fr
Des médecins mal formés, des femmes mal informées
Et même, parmi les femmes qui utilisent un moyen de contraception, beaucoup sont victimes d’un défaut d’information. Certaines vont par exemple arrêter de prendre la pilule à cause des effets indésirables, au lieu d’en essayer une autre qui leur conviendrait mieux. Et pour cause : «Nous avons remarqué que la délivrance se fait sans ordonnance», regrette Houssine Bouffetal.
Pire, selon lui, même les médecins sont mal informés. C’est pour cette raison qu’avec quelques collègues, il a monté il y a peu le groupe d’experts maroco-européens sur la contraception (Gemec). Le but : sensibiliser et former les praticiens, généralistes ou spécialistes. «Leur formation en contraception est médiocre. Ils n’ont que deux heures de cours théoriques sur la question», nous explique le gynécologue obstétrique.
De nouveaux moyens méconnus
À en croire le sondage que son équipe a réalisé auprès des médecins : «Les trois quarts ont un dialogue restreint et ne parlent que de pilule et de stérilet». Alors que des moyens de contraception plus modernes existent et sont disponibles au Maroc. Parmi eux : le patch cutané, la voie sous-cutanée, ou encore l’anneau vaginal. Leur intérêt : l’observance et la compliance (le fait de suivre sérieusement et durablement un traitement).
Avec sa Stratégie nationale de la santé de la reproduction 2011-2020, le ministère de la Santé prévoit bien le changement de cette structure contraceptive dominée par la contraception hormonale, la réduction des besoins non satisfaits en planification familiale et le renforcement de la diversification de l’offre de produits contraceptifs.
Aussi, toujours d’après ce professeur, les médecins ne se renseignent pas assez sur les contre-indications, et prescrivent alors des pilules qui comportent des risques. C’est le cas des pilules de troisième et de quatrième génération, comportant des risques de thrombose (seulement pour certaines femmes, les fumeuses notamment). Sans tomber dans la psychose, «il est du droit de la femme de connaître les recommandations médicales, les pilules de première et deuxième génération doivent être préférées», rappelle le médecin.
«Dans une population “normale”, il faudrait avoir parmi les femmes utilisant un moyen de contraception, 45 % de contraception œstrohormonale, 35 % de dispositif intra-utérin et 20 % de contraception progestative. Alors qu’au Maroc, 67 % des femmes qui utilisent un moyen contraceptif prennent une pilule œstroprogestative», nous explique-t-il. Pilule œstroprogestative ? Il s’agit de pilule contenant deux hormones. Parmi elles : des mini-dosées, et des normo-dosées. Les secondes ne devraient être prescrites qu’à des fins thérapeutiques et pour une courte durée. Recommandation non suivie au Maroc.
Bien sûr, ces différentes pilules et dispositifs sont des moyens contraceptifs. Seul les préservatifs permettent d’éviter les grossesses tout en se protégeant des maladies sexuellement transmissibles.
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