Quinze jours. C’est le temps qu’il reste aux ministères de la Justice et des Habous ainsi qu’au Conseil national des droits de l’homme pour livrer des propositions de réforme censées résoudre le problème de l’avortement clandestin. Une question abordée par le mouvement Anfass, qui a livré le 31 mars ses propres propositions de réforme des articles 449 à 458 du Code pénal, qui sanctionnent lourdement la pratique de l’avortement (sauf si la vie de la mère est en danger). Le mouvement commence par expliquer que le débat sur la légalisation − ou non − de l’avortement « est un débat de société, pas d’une société telle qu’on la souhaite […] mais une société dans laquelle nous vivons chaque jour. » Il précise ensuite que « le recours à la voie de l’avortement n’est pas un choix facile, mais il constitue un recours d’exception pour certaines personnes confrontées à des situations compliquées défavorables ».
Dépénalisation sans condition pour les femmes qui avortent, mais pas pour les médecins
Première proposition d’Anfass : l’instauration d’un comité d’éthique marocain. En plus du sujet de l’avortement, ce comité devra plancher sur une loi générale de bioéthique qui encadrera également des problématiques comme « l’euthanasie, l’utilisation des embryons et cellules souches, la transplantation et les dons d’organe, la gestation pour autrui, les thérapies géniques ».
Mais le mouvement propose surtout une abrogation des peines à l’encontre des femmes recourant à une IVG, qu’elle soit réalisée légalement ou clandestinement. Selon l’association, la femme doit se voir accorder le « statut de victime dans tous les cas de figure et ne peut être poursuivie ». Une autre disposition concerne cette fois-ci les avorteurs. Anfass estime que l’avortement clandestin qui serait pratiqué « en dehors des dispositions de la loi » devrait être sanctionné, « que l’avorteur soit un personnel médical ou non ».
L’avortement autorisé sans restriction de 6 à 24 semaines
Afin d’éviter les drames trop souvent associés aux avortements clandestins, le mouvement estime que « toute femme doit avoir le droit de faire une demande dans un établissement de soin public ou privé pour avoir accès à l’IVG, à condition que cela soit fait pendant le délai légal ». Un délai, précise Anfass, qui doit être défini « par un consensus multidisciplinaire qui doit préciser le début de la vie humaine et la personne selon la loi marocaine ». Celui-ci se situe, rappelle le mouvement, entre « six et 24 semaines d’aménorrhée (absence de menstruations, ndlr) » à travers le monde.
Mais Anfass propose que le délai choisi soit rallongé dans certains cas particuliers. Quand un embryon est jugé « non viable » ou quand il souffre de « malformations ou handicaps lourds ». De même pour les femmes victimes de viol ou d’inceste qui, selon le mouvement, doivent être reconnues comme des cas de « détresse d’extrême urgence » authentifiées par une procédure « claire et une expertise médico-judiciaire rapide ». Dans ces cas-là, l’accès à l’avortement doit être garanti avec « un délai supplémentaire […] en dehors du délai légal ».
Éducation sexuelle dans les écoles
En plus d’être légalisé, l’IVG doit également être prise en charge par l’État, propose Anfass. Il estime que cette opération doit être gratuite dans les hôpitaux publics et prise en charge par la couverture médicale lorsqu’elle est effectuée dans des établissements privés.
Mais les recommandations d’Anfass intègrent aussi la sensibilisation. Comme le ministre de la Santé Houcine El Ouardi, le mouvement estime que la lutte contre l’avortement clandestin « passe par l’instauration de cours obligatoires d’éducation sexuelle dans nos écoles expliquant de façon claire et pédagogique la physiologie de la sexualité et la reproduction et les différents moyens de contraception ».
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