La liberté de conscience a été une nouvelle fois défendue lors d’une conférence tenue le jeudi 28 janvier par l’association de défense des libertés individuelles Bayt Al Hikma à Casablanca. Ahmed Assid, intervenant régulier sur ce thème, a rappelé l’actualité de cette revendication. Pour le militant amazigh, cette liberté est garante de la stabilité politique, thème important dans la région MENA, en proie aux violences politiques. En garantissant ce droit, «la religion est écartée de la sphère de la concurrence et de la surenchère politique […] surtout dans un contexte ou la violence morale et physique s’est intensifiée» avec l’instabilité que connaissent plusieurs pays de la région; notamment la Syrie, la Libye et le Yémen.
Assid rappelle que cette situation a été déjà vécue en Europe avec les guerres de religions. Il souligne que «l’Europe n’a dépassé cette situation qu’avec l’instauration de la liberté de conscience». Cette liberté est la « pierre angulaire de la démocratie, de l’Etat de droit et de la citoyenneté ». Cette dernière suppose « le libre choix des individus, ainsi que l’égalité de traitement au-delà de la couleur de peau, du sexe, de la religion ou de l’appartenance tribale ou familiale », ajoute-t-il.
Il rappelle que parmi les pays de la région qui ont depuis longtemps instauré cette liberté figue le Liban. Ce pays multiconfessionnel a longtemps pâti de la guerre civile et confessionnelle, rappelle-t-il. Une situation qui a imposé la mise en place de cette liberté afin de garantir la paix sociale. Pour lui, tant que les pays qui subissent actuellement la même situation (Syrie, Libye, Yémen..) n’ont pas compris qu’une grande partie de leur problème vient de cet impératif, ils ne sortiront pas de cette situation.
Dans un contexte plus national, Assid rappelle que la liberté de conscience est une pratique qui n’est pas étrangère à la société marocaine. «Une partie de la famille peut se lever pour aller faire la prière tandis qu’une autre ne la fait pas. Mais une fois le premier groupe revenu, la discussion se poursuit naturellement sans justification. C’est une manifestation du respect de cette liberté», soutien le militant amazigh. Il tempère néanmoins: la situation a malgré tout commencé à changer depuis quelques années, en raison de l’importation «de mode de religiosité différent de l’islam marocain, notamment l’idéologie des frères musulmans et le wahhabisme».
La commanderie des croyants appelée à se réformer
Mounir Bensaleh, président du mouvement Anfass démocratique, association politique qui milite pour l’Etat de droit, appelle à l’instauration de cette liberté et regrette que «l’Etat a penché du côté du camp conservateur lors des débats qui ont précédé le vote de la constitution de 2011», rappelant ainsi l’abandon de la notion de liberté de croyance dans la mouture finale du texte fondamental, suite aux pressions islamistes, et notamment du PJD.
Bensalah appelle d’un côté le Maroc à respecter ses engagements internationaux notamment le pacte international pour les droits civils et politiques, signé et ratifié sans réserve, qui contient cette liberté. D’un autre côté, il appelle à l’harmonisation des législations, notamment le code pénal, à la lumière de ces engagements internationaux. Sur ce point, il met en avant la condamnation des relations sexuelles hors mariage, la rupture publique du jeûne, et l’ébranlement de la foi d’un musulman, toutes des dispositions existantes dans le code actuel, qu’il faut abroger selon lui.
Si Mounir Bensalah critique d’un côté l’institution de la commanderie des croyants en rappelant son utilisation politique par Hassan II contre les députés de l’USFP dans les années 1980, il reconnait son rôle dans la participation de la préservation de la sécurité spirituelle des marocains et dans la mise en place de la Moudawana.
Il plaide pour que la commanderie des croyants garde la gestion des affaires religieuses à travers une nouvelle institution qu’elle présidera : le conseil supérieur des affaires religieuses. Ce conseil sera encadré par la loi de telle façon à ce que chaque communauté religieuse, qui dépasse un certain nombre, puisse former un conseil de communauté à l’image du conseil de la communauté juive. Ces conseils travaillerons sous la présidence de la commanderie des croyants, garante alors de la liberté de pratique des culte de tous les citoyens.
Pour en finir avec les «religieux imitateurs»
Dans cette conférence, Badreddine Miftahi, un religieux et professeur chercheur dans les affaires islamiques est venu défendre à son tour l’idée de liberté de conscience. Portant une barbe et un turban, il a souscrit à l’intervention d’Ahmed Assid à qui il a exprimé son soutien suite aux menaces proférées par des islamistes extrémistes qu’il a reçu. S’il parle de l’intérieur de la pensée islamique, il reconnait que la liberté de conscience doit être garantie à tous le monde. Surtout pour tous ceux qui grandissent dans une culture ou une famille qui leur transmet une religion «Dès qu’un jeune atteint la puberté, il se pose les questions philosophiques sur l’islam, sur l’existence de Dieu» afin de savoir si l’islam «est la religion juste ou pas» at ainsi faire son choix, souligne Miftahi.
Pour lui, il n y a aucun intérêt à garder des «religieux imitateurs» dans une religion qu’ils ne pratiquent que par habitude ou conformisme social, tant qu’ils n’ont pas fait leur introspection et fait librement leur choix.
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