Pour comprendre la naissance du PAM, il faut remonter au début du règne de Mohammed VI. En 2000, quelques mois après l’intronisation du nouveau roi, un débat houleux divise le Maroc. À l’origine de ce débat, un plan ambitieux présenté par le gouvernement de Abderrahmane Youssoufi, visant l’amélioration de la situation de la femme et la réforme du code du statut personnel, dernier foyer de la Charia dans le droit marocain. Deux camps s’affrontent: d’un côté les modernistes, regroupant des partis de gauche, des féministes et des associations des droits de l’homme. Face à eux, un attelage improbable de conservateurs composé du PJD, d’Al Adl Wal Ihsane, de prédicateurs salafistes et même d’imams sous la tutelle du ministère des Affaires islamiques.
Le 13 mars 2000, deux grandes manifestations sont organisées par les deux courants. À Rabat, quelques milliers de manifestants progressistes marchent pour défendre la réforme proposée. Mais à Casablanca, c’est une autre affaire. Une marée humaine, noire, compacte, où hommes et femmes sont séparés, défile dans les rues de la métropole. Les images, reprises par les médias étrangers, rappellent furieusement l’Algérie des années 1990 et l’accession du FIS au pouvoir, avec le scénario dramatique que l’on connaît. Ce jour-là, une partie de la gauche marocaine et du camp moderniste a revu ses idées et changé son fusil d’épaule. Pour eux, l’ennemi n’est plus le Makhzen, mais plutôt le mouvement islamiste, perçu désormais comme la principale menace pour le pays. L’État est désormais considéré comme un allié, en avance parfois sur la société, dans sa volonté de moderniser le Maroc. L’expérience de l’IER (Instance équité et réconciliation) et la réforme du Code de la famille en 2004 renforceront cette vision auprès d’un pan de la gauche marocaine. Le PAM est né dans la perspective d’affronter les islamistes et stopper leur inévitable montée vers le pouvoir. Un Terminator politique est créé et soutenu.
Le PAM est une armée conduite par des généraux issus de la gauche, rejointe par d’ambitieux et impatients jeunes cols blancs, et dont la puissance de feu électorale est assurée par les notables. Mais les voies de l’histoire et de la politique sont souvent indéchiffrables. Un vendeur ambulant qui s’est immolé en Tunisie a aussi mis le feu aux plans du PAM, indirectement. Depuis 2011, le parti est à la recherche d’un nouvel équilibre, d’une identité marquante. Ses dirigeants aspirent à en faire le fer de lance du camp moderniste au Maroc, mais il lui faut de l’audace, de l’indépendance et surtout des idées claires et novatrices. Or, le PAM n’a jamais fait ce travail nécessaire de production intellectuelle, de convaincre les cœurs et les esprits de ses électeurs. Il est resté prisonnier de son gigantisme, de sa stratégie de domination à travers l’argent et les notables. Une machine électorale, sans âme ni capacité d’entraîner les Marocains derrière un projet d’avenir. Et pourtant, une place manque au Maroc pour un véritable parti moderniste et progressiste. Pour cela, il faut des idées, des rêves et un supplément d’âme. En un mot, tout ce dont le PAM a besoin.