S’il venait à disparaître, terrassé par l’ampleur et la nature de sa tâche, il vous serait reconnaissant de se souvenir de lui comme d’un homme courageux. C’est qu’il doit, chaque semaine, se farcir les plus spectaculaires illuminés qui peuplent notre planète pour tenter de vous amuser, il y a forcément un prix à payer. C’est parti!
En France, les gens ont voté en masse pour un parti dont la patronne a agité le spectre d’un voile obligatoire pour les Françaises en cas de défaite. Ya salam! Pendant ce temps, les Américains se déclarent séduits par le discours d’un candidat qui ne propose rien de moins que d’interdire l’accès de son pays aux musulmans. Et là, ya salam ne suffit plus, on oserait presque un pchakh… On ne va pas faire la liste des plus brillantes énormités qui se martèlent chez nous, elles peuplent déjà abondamment ces chroniques. Au contraire, il faut rester positif, c’est le devoir de Zakaria Boualem. Il se félicite donc de recevoir, dans cette mission, le soutien inattendu d’un cinéaste du nom de Ayoub Qanir, qui vient d’annoncer le tournage de son nouveau film: « Le premier Marocain dans l’espace ». D’après le communiqué de presse, il s’agit de proposer « une histoire fondée sur l’espoir et l’ambition en lançant l’idée: La Fondation royale marocaine de l’exploration spatiale », ainsi que de « rendre hommage à tous les efforts marocains dans l’exploration scientifique et spatiale ». Le ya salam est dépassé, le pchakh également, il nous faut trouver autre chose les amis. Parce qu’il faut reconnaître sincèrement que « les efforts marocains dans l’exploration scientifique » avaient un peu échappé à Zakaria Boualem. Il était sans doute distrait, le pauvre. Quand à l’exploration spatiale, à part la surveillance intensive du coucher du soleil chaque jour du ramadan et de la lune lors des derniers jours, il ne voit pas très bien en quoi elle consiste. Sachez-le donc, les amis, nous explorons l’espace, et avec une telle application que cette exploration mérite un hommage. Curieux d’en savoir plus, Zakaria Boualem a poursuivi la lecture du communiqué où étaient cités trois noms de nos éminents scientifiques. Dont deux sont en poste à la NASA, oui, l’agence américaine. Nous avons donc deux héros de la science de l’espace, qui connaissent un parcours glorieux à l’étranger. Il serait tentant de reformuler la phrase de la sorte: nous avons donc deux héros de la science, qui connaissent un parcours glorieux parce qu’ils sont à l’étranger. Mais nous ne le ferons pas, parce que les occasions de se réjouir sont rares, et qu’il faut prendre ce qu’on trouve pour remonter le moral des troupes, et merci.
Sans aucune espèce de transition –le temps presse–, Zakaria Boualem voudrait vous parler de ce qui se passe en Finlande. Cette paisible contrée s’apprête à effectuer une révolution, en distribuant un millier d’euros à chacun de ses citoyens, tout simplement. Le Finlandais pourra vivre de cette rente ou, si ça lui chante, aller travailler pour compléter ses revenus. En revanche, aucune aide sociale supplémentaire ne lui sera accordée. Ce qui semble audacieux n’est en fait qu’une imparfaite imitation du modèle marocain, celui des grimate: une rente, pas d’aides sociales, et un travail optionnel. Le problème chez nous, c’est la difficulté à généraliser le modèle: un grand nombre de citoyens en demeurent exclus, malgré leurs efforts et leur créativité pour obtenir le fameux papier. La seule audace des Finlandais, finalement, réside dans cette volonté d’étendre cette opération. Il faudra sans doute prévoir un film à la gloire des « efforts marocains dans la recherche en organisation sociale », dans la foulée…
C’est tout, que Dieu vous glorifie, et merci.