Hamza Guelmouss, un créateur dans le vent

Fraîchement diplômé de l’école de mode casablancaise, Casa Moda Academy, le créateur Hamza Guelmouss vient de remporter un concours international de mode à Johannesburg. Portrait d’un jeune créateur qui veut s’affranchir des traditions.

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Il passe du français à l’anglais, cherche ses mots. Avant de combler le blanc par une plaisanterie. Bottines noires, jean destroy gris, perfecto noir et cheveux mi-long corbeau, Hamza Guelmouss n’en est pas moins solaire. Ce soir, il fait un discours devant les équipes de Casa Moda Academy, venues le féliciter pour le grand prix qu’il a remporté au concours de mode organisé par le magazine Elle sud-africain.

« Les jurés du concours n’en revenaient pas que ce soit moi, le seul Marocain parmi les candidats, qui leur présente la collection la plus sombre de la compétition ! », se souvient le jeune homme de 20 ans avec malice. Les couleurs sont ténébreuses et les matières brutes. « Pour m’approprier le vêtement, je tiens à créer mes propres matières », explique Hamza. Pour cette collection, il a travaillé à coups d’eau de javel et de peinture murale sur un sac de pomme de terre. Si le jeune créateur ne veut pas s’encombrer de modèles, il évoque avec émotion Alexander McQueen, créateur anglais au style sombre disparu en 2010. « Le documentaire, McQueen and I, qui lui est consacré m’a ému aux larmes », se souvient le créateur. Mais pas au point de lui déclencher un déclic. Car Hamza a toujours su.

« J’ai toujours voulu faire ça, créer des vêtements. Je déteste le dire aux journalistes car c’est cliché mais oui, je volais aussi les poupées de mes sœurs pour les habiller ! » Ce qui ne l’empêche pas d’être soufflé par son récent succès. Un prix qui lui rapporte l’équivalent de 21 000 dirhams, un stage de deux semaines dans la rédaction du magazine Elle sud-africain et une collaboration avec la marque sud-africaine Mr Price pour une collection en 2016. « Quand je voyais les autres candidats déballer leurs créations, j’étais persuadé que je ne gagnerais jamais. La concurrence était très rude ! » C’est d’ailleurs par hasard qu’il confie être allé consulter les résultats. « Je regardais une émission à la télévision et une tenue m’a rappelé une silhouette que j’avais envoyée aux jurés du concours. Alors, je me suis dit que ça ne coûtait rien d’aller voir qui avait gagné à ma place. » Si sa confiance en lui est fragile, sa détermination est de fer.

Hamza Guelmouss, portant l'une des es créations. Crédit : Amine Fassi
Hamza Guelmouss, portant l’une des es créations. Crédit : Amine Fassi

Une autre mode est possible

Hamza Guelmouss parle avec autorité et devoir de sa « femme », le personnage imaginaire qui a « besoin » de ses collections. Une femme « très rock et anticonformiste », vision qui le ramène quelques années en arrière, au lycée Les Orangers de Rabat où il a passé un bac d’arts appliqués. « Je passais tout mon temps avec ma meilleure amie, Oumaïma. Elle était gothique, anticonformiste et s’habillait toujours en noir. Et surtout, elle se fichait des gens qui la dévisageaient. Elle est mon inspiration. » Comme le perfecto, blouson de motard mythique qui l’obsède : « J’aime cette pièce car elle est grunge, unisexe et qu’elle a beaucoup de codes – les boutons pressions, les fermetures à glissière – qui me permettent de jouer un peu ». Car les codes, Hamza Guelmouss s’en amuse et hausse les épaules quand on s’enquiert d’une potentielle collection pour hommes. « Je n’aime pas me limiter aux genres. Un homme peut très bien porter mes manteaux, mes t-shirts… et pourquoi pas mes jupes ? Au fond, qu’est-ce que sont les gandouras ou les djellebah sinon des robes ? », pouffe-t-il.

A ce propos, ne lui parlez pas de mode traditionnelle marocaine. « Je n’ai jamais compris comment les femmes marocaines pouvaient dépenser des fortunes dans un caftan qu’elles mettraient trois fois dans leur vie alors qu’elles pourraient s’acheter des belles pièces de créateur – comme le perfecto –mettables tous les jours ! ». Et Hamza Guelmouss a décidé d’en faire un combat personnel : « Même si je pars à l’étranger, je tiens à revenir au Maroc et à y fonder ma marque. Toutes les femmes marocaines aux looks’ underground’ n’ont pas les moyens d’aller à Paris ou à Londres pour acquérir des pièces de créateurs. Alors, je veux leur permettre de le faire, ici. » En attendant, le rbati s’envole dans quelques jours pour Paris, où son école lui a permis de décrocher un stage de trois mois chez le styliste Julien Fournié. « Je ne veux pas trop penser à l’avenir, j’irai simplement où le vent me mènera. » Et il l’a en poupe.

Sarah Gyé-Jacquot

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