L’Etat nous protège-t-il des pesticides ?

Des produits largement consommés au Maroc, comme la menthe, sont régulièrement interdits à l’étranger à cause de leur trop forte teneur en pesticides. Que font les autorités pour protéger notre santé ?

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Crédit : Kham Tran/Flickr.

Après les olives refoulées des Etats-Unis, c’est au tour de la menthe fraîche marocaine de ne pas être acceptée en Europe, parce que contenant trop de pesticides. Dernières interdictions en date : le 4 septembre, le 18 septembre et le 2 octobre, en Belgique, alors que la menthe analysée avait des taux de myclobutanil plus de trois fois supérieurs à la limite autorisée.  Sur environ 84 000 tonnes produites chaque année au Maroc, seulement 6 % sont exportées. Le reste se retrouve dans l’assiette et le verre du consommateur marocain.

Difficile de croire que cette menthe là est moins chargée en pesticides et donc non risquée pour la santé. Mais de son côté, l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA) tente de minimiser l’importance de ces alertes européennes (qui ont conduit à la destruction des stocks). « Elles sont courantes et ne concernent pas que le Maroc », indiquait Amina El Hajjab, chef de la division de contrôle de produits végétaux de l’office à nos confrères des Inspirations Eco dans un article en date du 11 novembre.

Que dit la législation ?

Les produits alimentaires d’origine végétale sont soumis à un contrôle. Ils ne doivent pas excéder une certaine concentration de produits phytosanitaires (LMR, limite maximale de résidus). Au Maroc, les LMR nationales n’ont été introduites qu’en 2014. En ce qui concerne la menthe, la LMR marocaine est calquée sur celle de la FAO et de l’OMS, sorte de guide de bonnes pratiques. Donc si la menthe est refoulée de Belgique, elle ne devrait pas non plus être vendue au Maroc, d’après la législation en vigueur. D’ailleurs, dans un rapport de l’ONSSA et de la FAO de 2012 consacré à la menthe marocaine, est évoquée une visite de l’organe européen en 2006. Un nombre élevé d’échantillons excédaient la LMR.

Attention, l’Union européenne précise bien qu’un « dépassement ponctuel de la teneur maximale autorisée en pesticides ne saurait être interprété comme présentant nécessairement un danger pour la santé du consommateur. En effet, une importante marge de sécurité est associée à la définition de cette valeur limite [LMR, ndlr] ».

Lire aussi : Des pesticides cancérigènes autorisés au Maroc

Inventaire puis destruction à l’étranger

Hasard du calendrier, l’ONSAA a lancé le 9 novembre son programme CleanFarms (en collaboration avec Croplife, l’association des professionnelle des industriels de la phytopharmaceutique). Il s’agit du premier volet d’un projet plus large cofinancé par la FAO, le fonds pour l’environnement mondial et Croplife. Le but : éliminer ou sécuriser les pesticides « obsolètes ». On entend par obsolètes ceux qui sont maintenant interdits au Maroc, ceux qui sont trop vieux (plus de trois ans après leur production par exemple), ou encore ceux qui n’ont pas d’étiquette.

Un inventaire avait été réalisé entre 2007 et 2010. CleanFarms cherche à toucher les nouveaux détenteurs, qui n’avaient pas été identifiés par la précédente campagne. Comme nous l’explique Ahmed Jaâfari, chef de service de suivi et de contrôle des intrants chimiques de l’ONSAA, une entreprise privée sera ensuite chargée de collecter les produits, de les reconditionner ou de les détruire à l’étranger : « Sans doute en Europe. Il n’existe aucune structure au niveau national ».

Les « détenteurs » sont des agriculteurs mais aussi des commerces et principalement des structures publiques. Ces dernières représentent environ 93 % des détenteurs d’après Ahmed Jaâfari qui cite le dernier inventaire: le ministère de la Santé (lutte contre les moustiques par exemple), ONSAA, Office national du conseil agricole (ONCA), département de l’agriculture… Le projet général comprend un volet éducation aux utilisateurs et proposition d’alternatives. L’éducation semble essentielle. Dans un article qui date de 2008, Abdelmalek Boutaleb Joutei, chercheur en entomologie (étude des insectes) évoquait le « surdosage » ou encore le « non respect du délai avant la récolte ».

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