Aux origines du conflit entre la Suède et le Maroc

Comment le Polisario a réussi à s'attirer la sympathie d'une frange de la classe politique suédoise, au détriment du Maroc.

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La nouvelle a fait l’effet d’une bombe. Tout le gotha politique était appelé au siège de la primature lundi 28 septembre pour discuter d’un sujet de haute importance : les manœuvres du gouvernement d’un pays, en l’occurrence la Suède, pour la reconnaissance du Polisario. Le Suède est un pays avec lequel le Maroc ne cesse de multiplier les accrochages, et ce depuis le début des années 2000. Pour cause, le pays scandinave diffère des autres pays européens par le lobby du Polisario qui y est très présent et qui, jusqu’à présent, a réussi à influencer plusieurs organes politiques.

Un bureau du Polisario en Suède très actif

L’histoire entre le Polisario et la Suède remonte aux années 1970, en pleine guerre froide lorsque le pays était gouverné par les sociaux-démocrates. La Suède choisissait de prôner des valeurs tels que les droits humains et se positionnait comme défenseurs des « peuples opprimés ». Parmi ces pays figurent entre autres la Palestine reconnue dernièrement par la Suède. Mais une partie de la classe politique  scandinave met également le « peuple sahraoui » dans ce lot.  À l’époque, le pays accordait l’asile à diverses personnalités du Polisario. Un « bureau du polisario en Suède » voit même le jour en 1976.

Les officiels marocains, éternels absents

Comment le Polisario a-t-il pu avoir à ce point droit de cité dans ce pays ?Plusieurs pistes l’expliquent. Tout d’abord l’absence d’officiels marocains pour plaider la cause de l’intégrité territoriale du Maroc. Une absence qui se ressent jusqu’à aujourd’hui. Actuellement, et depuis 2014 et le départ de Bouchaâb Yahdih, il n’y a toujours pas d’ambassadeur sur place.

Face à cette froideur des relations additionnée à l’absence de représentation marocaine au pays scandinave, les crises entre le Maroc et la Suède se sont succédées. En 2006, la Suède était le premier pays européen à voter contre l’accord de pêche entre l’Union Européenne et le Maroc. En 2009, le Maroc convoque l’ambassadeur de Suède à Rabat et expulse dans la foulée une diplomate suédoise, conseillère de l’ambassade suédoise, pour « manquement grave aux pratiques diplomatique et erreur professionnelle inadmissible». Le ministre des affaires étrangères de l’époque,  Taïb Fassi Fihri accuse la diplomate d’avoir transmis des documents officiels à « l’Algérie et au Polisario ».

Une recommandation pour reconnaître le Polisario

La goutte qui fera déborder le vase interviendra en 2010. Le parlement suédois, l’opposition plus précisément, propose une recommandation qui préconise la reconnaissance du Polisario comme un pays avec lequel le pays scandinave devra négocier. « Même si cette recommandation n’a pas de véritable poids, il reste que c’est exactement la même que celle qui avait été accordée à l’Etat palestinien avant sa reconnaissance », estime le blogueur marocain installé en Suède, Mocroland. Aussitôt la recommandation votée en 2012 et transmise au gouvernement, celui-ci la refusera. Intérêts économiques et diplomatiques obligent.

Relations compliquées ? Ceci reste à nuancer, selon Mohamed El Yazghi, fin connaisseur du dossier du Sahara, « il n’y a pas de problèmes entre la Suède et le Maroc. Il s’agit juste d’un courant au sein du parti social-démocrate qui est pro-polisario et qui s’est développé avec le temps », nous explique l’ancien leader de l’USFP. Mais il prévient: si le Maroc n’agit pas, le risque d’effet domino dans la région n’est pas à écarter, ce courant existant aussi en Norvège et au Danemark. 

Interview. El Yazghi: « La Suède à beaucoup d’intérêts économique au Maroc »

C’est de cette recommandation que naîtra finalement l’actuelle crise entre le Maroc et la Suède. Une éternelle crise que se voit raviver ces derniers jours. La cause ? L’opposition qui avait proposé à l’époque la recommandation est au pouvoir. Et compte définitivement faire passer le texte de reconnaissance du Polisario. De son côté, le Maroc tente des pressions économiques et un dialogue politique à travers, pour commencer, une délégation de partis de gauche.

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