Le grand écrivain palestinien Ghassan Kanafani répétait souvent : “Si on est les mauvais défenseurs d’une cause, ce n’est pas la cause qu’il faut changer, mais ceux qui la défendent mal”.
Kanafani savait très bien de quoi il parlait, lui qui a dédié toute sa vie à défendre, avec la plume et les armes, la cause de son peuple. La formule de l’écrivain palestinien revient à l’esprit quand on observe la réaction officielle marocaine à l’égard de la Suède. On reproche donc à ce royaume scandinave une position jugée hostile à l’égard de l’intégrité territoriale du Maroc et l’alignement d’une partie de ses ministres et députés sur les positions du Polisario. La réaction de l’État marocain paraît légitime et naturelle, le royaume ayant fait du dossier du Sahara sa cause nationale principale et ne peut que la défendre et la soutenir jusqu’au bout. Sauf que la nature de cette défense et les moyens déployés sont parfois d’une absurdité déconcertante.
Le blocage de l’inauguration du magasin de la marque suédoise Ikea à Casablanca, sous prétexte qu’il n’est pas conforme aux normes, est une décision ubuesque. Faire de l’ouverture d’un magasin d’ameublement, aussi grand soit-il, une affaire d’État et un moyen de pression est digne d’un sketch ou d’une mauvaise blague. Croire qu’une démocratie aussi solide que la Suède pourrait changer d’orientation politique, car on peut bloquer la vente de ses canapés et paniers à linge sur notre territoire, est juste ridicule. Il ne faut pas oublier que l’État suédois a tenu tête à un lobbying infiniment plus puissant que le nôtre, celui d’Israël, quand Stockholm a décidé, en 2014, de reconnaître l’État palestinien. Autre aspect inquiétant de cette décision, le mauvais message envoyé aux investisseurs étrangers. Suspendre un projet qui a coûté des millions de dirhams à des capitaux privés- koweïtiens, comble de l’ironie- peut être interprété comme un signe d’imprévisibilité des pouvoirs publics marocains.
La brouille avec le royaume scandinave démontre aussi le caractère attentiste et peu dynamique de notre diplomatie marocaine. On attend le déclenchement d’un feu pour se précipiter sur l’extincteur. Au moment où les adversaires profitent de toutes les occasions pour propager leurs idées à l’étranger, notamment au sein des sociétés civiles, on préfère attendre le choc et tenter de l’amortir. L’absence d’un ambassadeur à Stockholm est un indicateur de cette apathie diplomatique. On se réveille alors, on s’alarme et on réagit par à-coups et par réaction. Espérons qu’il n’est pas trop tard.