Une razzia. Une OPA. Les termes sont nombreux pour qualifier les résultats du PAM (Parti authenticité et modernité) lors de l’élection des présidents de régions qui s’est tenue le 14 septembre. Un scrutin qui a été marqué par l’élection de cinq membres du parti au tracteur au poste de président de région, soit près de la moitié des régions que compte le royaume (12 au total). Cela ne « reflète pas la volonté du citoyen » nous déclare le secrétaire général du PPS (Parti du progrès et du socialisme), Nabil Benabdellah qui s’indigne de la « mainmise du PAM » sur d’autres partis du paysage politique marocain. Une indignation qui n’est pas sans raison.
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Le PAM soutenu par deux partis de la majorité
Suite à l’annonce des résultats du vote des citoyens lors des élections régionales et communales, les principaux partis politiques du royaume se sont divisés en deux camps. D’un côté, celui de la majorité, composée du PJD, RNI (Rassemblement national des indépendants), PPS et MP (Mouvement populaire). De l’autre côté, l’alliance de l’opposition où figurent le PAM, l’UC (Union constitutionnelle), et l’USFP (Union socialiste des forces populaires) et au départ l’Istiqlal.
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Dans les deux camps, les consignes de votes sont claires et sont même rendues publiques : les partis de chaque camp doivent se soutenir entre eux et il est hors de question de voter pour un parti de l’autre camp. Seule exception à cette règle, les petites localités.
Le lundi 14 septembre, les résultats des élections régionales sont annoncés. Le parti au tracteur décroche donc cinq régions suivi du PJD, de l’Istiqlal et du RNI qui « contrôlent » chacun deux régions. Enfin, le MP obtient une seule région. À la lecture de ces résultats, on constate que dans trois des cinq régions où il a obtenu la présidence du conseil, le PAM a pu compter sur les voix de deux partis de la majorité gouvernementale, le MP et le RNI. Des voix qui ont été décisives pour l’élection de certains présidents de régions comme le montre l’infographie ci-dessous.
Alliance nationale contre contexte local
Mais comment expliquer ces votes pour le moins surprenants en faveur du parti au tracteur ? Contacté par Telquel.ma, le ministre du Tourisme et porte-parole du MP, Lahcen Haddad, affirme que les électeurs ayant voté pour le PAM lors des élections régionales de Beni Mellal- Khenifra (trois votes en faveur du PAM) et Casablanca-Settat (un vote en faveur du PAM)« seront convoqués par le Conseil national du MP et feront face à des sanctions » tout en précisant que ce revirement était « inattendu ». On rappellera qu’un membre du MP était candidat aux élections régionales de Beni Mellal- Khenifra.
Mais qu’en est-il de la région Tanger-Tétouan- Al Hoceima où quatre membres du MP ont voté en faveur d’Ilyas El Omari, numéro 2 du PAM ? « Il existe un différend entre notre élu de Sidi Kacem et Mohamed Khayrate, le candidat du PJD » déclare le porte-parole du parti au blé. Il ajoute que l’élu qui n’a pas suivi les consignes de vote de son parti a entraîné trois autres membres du parti au blé avec lui. Il semble donc, dans ce cas-là, que l’enjeu personnel soit plus important que l’enjeu politique.
Quid du RNI qui a également permis au PAM de décrocher plusieurs régions ? « Le bureau politique a tenu sa réunion le 10 septembre. Pendant cette réunion, nous avons discuté des consignes de vote qui étaient claires. Il fallait voter pour la majorité dans tous les cas sauf dans le cadre d’exceptions locales » nous explique un membre du RNI candidat aux élections locales. Mais quelles sont ces exceptions ? « La région de Tanger- Tétouan- Al Hoceima » nous répond la même source, sans détailler. Pour ce qui est de l’élection du président de la région Casablanca-Settat, remporté par le chef du PAM Mustapha Bakkoury, les consignes de votes n’ont pas été respectées ce qui a suscité un « mécontentement » au sein du parti. Les deux fauteurs, parmi lesquels figure Moncef Belkhayat, vont être « interpelés par le parti et pourraient être sanctionnés » nous explique notre source au sein du parti.
Cela étant, le son de cloche est légèrement diffèrent chez un proche de la direction du parti de la colombe qui affirme qu’un « accord avait été conclu entre les chefs de la majorité concernant les régions de Casablanca-Settat et Tanger-Tétouan- Al Hoceima. Chacun était libre de voter comme il le sent ». Avant de déclarer : « le PAM n’est pas une ligne rouge pour le RNI. Nous sommes proches politiquement et avons des idées communes. Rien ne nous interdit de nous allier avec le PAM surtout lorsqu’on sait que le PJD les a soutenus pour la mairie de Tétouan ».
« Une volonté d’asservissement du paysage politique marocain »
Pour le secrétaire général du PPS, Nabil Ben Abdellah, ces résultats reflètent le succès « des pressions d’un parti qui s’est retrouvé à la tête de cinq régions ». Une allusion claire au PAM. Ces pressions selon, le leader de l’ancien parti communiste allié du PJD, dénote d’ «une volonté d’asservissement du paysage politique marocain. Il a mis tout le monde à genou sauf le PPS et le PJD. Il suffit de voir les réactions de l’Istiqlal, du RNI ou encore de l’USFP ».
Le son de cloche est similaire du côté d’Abdelaziz Aftati, du PJD, qui n’était pas candidat aux élections locales. L’élu qualifie même le PAM de « parti de mafieux » tout en accusant le PAM d’utiliser l’argent issu du trafic de drogue. Une accusation similaire à celle portée par Abdelilah Benkirane contre le parti au tracteur.
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Jeu d’alliance et manque de clarté de la loi
De son côté le PAM, à travers sa porte-parole Souheila Rikki, nie avoir fait pression sur des hommes politiques afin de s’assurer des votes aux élections régionales. La porte-voix du parti au tracteur estime que son parti a bénéficié du « jeu d’alliance » notamment dans les régions de Casablanca- Settat et Tanger- Tétouan – Al Hoceima. En ce qui concerne le vote de trois élus du MP contre leur propre candidat, Souheila Rikki le qualifie de « bonne surprise ». La porte-parole du PAM juge également que c’est aux partis de la majorité de s’occuper de la « discipline de leurs propres troupes ».
Mais, la victoire du PAM n’est pas seulement due aux jeux des alliances ou a d’éventuelles « pressions ». La performance du parti dirigé par Mustapha Bakkoury s’explique également par les dispositions de la loi organique sur les régions. Celle-ci impose aux conseils régionaux d’élire «parmi ses membres un président et plusieurs vice-présidents ». Une disposition qui diffère de celles des élections législatives à l’issue desquelles le chef du gouvernement est désigné « au sein du parti politique arrivé en tête des élections des membres de la Chambre des Représentants ». Contrairement à la Constitution, la loi organique sur les régions permet donc aux conseillers régionaux de designer leur président parmi n’importe quel confrère. On rappellera que la loi a été approuvée au parlement où le PJD et ses alliés sont majoritaires.
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