On reproche souvent à la vie politique marocaine sa médiocrité, son insignifiance et son manque de débat et d’idées. Elle ressemble à un étang morne, en plein automne, qui n’inspire qu’ennui et abattement. Ses hommes et femmes agacent, ses péripéties laissent indifférents et la vie des partis ne passionne que peu de gens. Les bonnes nouvelles ou les surprises agréables sont très rares pour être soulignées. Mais, soudain, se produit une fulgurance, un épisode qui donne espoir et illumine les ténèbres de notre vie politique. Cet événement qui porte à l’optimisme et indique qu’on est, malgré tout, sur la bonne voie est le scrutin du 4 septembre. Tout d’abord, il y a le contexte régional bouleversé par les effets du Printemps arabe. Dans une période où l’on assiste à l’exode de millions de Syriens et d’Irakiens, au déclenchement de la contre-révolution en Egypte, au chaos libyen, à l’instabilité en Tunisie et au flou épais en Algérie… on réussit à tenir malgré tout des élections libres, pluralistes et sans intervention de l’Etat au niveau des résultats. L’électeur décide, seul, en son âme et conscience, du parti qui mérite sa voix. La démocratie est un long processus d’apprentissage et, avec des élections de ce genre, on entreprend progressivement une partie de notre formation démocratique. Pourvu que ça dure.
Les résultats de ce scrutin sont également un motif de réjouissance et d’optimisme. La victoire du PJD, dont TelQuel ne partage ni les valeurs, ni le projet de société, est une chose à saluer. Le triomphe du parti de Abdelilah Benkirane dans les grandes villes est un signe du changement des mentalités et des consciences. Il signifie qu’une grande partie de la population marocaine ne marchande pas ses voix, ne vote plus pour un riche notable ou un puissant homme politique. Cette population urbaine opte pour une marque, un label et une idée abstraite de probité et du sens de l’honneur. Il ne faut pas se leurrer et croire que les 1,5 million qui ont voté pour le PJD sont islamistes et conservateurs, ne rêvant que de voiler les femmes et transformer Casablanca ou Rabat en émirats islamiques. Dans le lot, il y a de tout. Mais cet électorat est composé essentiellement de Marocains dégoûtés par la corruption, fatigués par les partis traditionnels et qui veulent donner une chance au PJD pour gérer nos grandes villes. Il ne s’agit pas d’un blanc-seing ou d’un mandat à vie. Les cyniques qui pensaient que « les promesses n’engagent que ceux qui y croient » et qu’on peut resservir éternellement le même discours électoral l’ont amèrement regretté. L’autre motif de satisfaction est d’observer de jeunes visages qui investissent la vie politique, lui apportent un sang neuf, des idées fraîches et une passion à entretenir. Dans ce sens, l’expérience de la Fédération de gauche démocratique est à suivre, car elle est susceptible d’évoluer et de devenir, dans un futur proche, une alternative crédible et honnête. Nous aurons alors droit à des idées contre des idées, des projets contre des projets et des références claires contre des références claires. Notre pays a nagé dans le flou, le pouvoir de l’argent et des notables, et une grande partie des électeurs marocains a exprimé son souhait d’en sortir.