Chantage royal: Le palais maintient qu’il y a eu chantage, d’après Le Monde

Jeudi 3 septembre, le quotidien français Le Monde révèle les réactions au plus haut sommet de l’État marocain sur l’affaire Laurent/Graciet. Le royaume maintient qu’il y a bien eu chantage.

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Les journalistes Eric Laurent et Catherine Graciet, et l'avocat du roi Hicham Naciri

Lassé de voir les journalistes Eric Laurent et Catherine Graciet se défendre de toute opération de chantage, à travers les médias, le royaume a réagit en maintenant qu’il « y a bien eu un chantage » exercé par les deux protagonistes à l’encontre du roi Mohammed VI. Le Monde publie un article complet sur la position du royaume. Dans le quotidien français, une source proche du palais royal, « très au fait du dossier et ayant accès aux procès-verbaux des gardes à vue et des premières comparutions », livre une version, défendue par la partie marocaine, sur les rendez-vous entre Eric Laurent et Maitre Naciri.

Selon cette source, « tout démarre le 23 juillet, lorsque le secrétariat particulier du roi reçoit un coup de fil d’Eric Laurent : « Merci à Monsieur Majidi de me rappeler. J’ai des éléments d’une extrême gravité à lui communiquer. » Par prudence, Mounir Majidi confie aussitôt l’affaire à l’avocat attitré du secrétariat particulier, Me Hicham Naciri. » Au départ, rapporte cette source proche du palais, « Eric Laurent hésite et refuse de parler à un intermédiaire. Il se renseigne, puis rappelle. Il préfère parler de vive voix avec l’avocat. Les deux hommes échangent des SMS et conviennent d’un rendez-vous, le 11 août, à Paris. Ce jour-là, le journaliste et l’avocat se retrouvent au bar du Royal Monceau. »

D’après cette même source, c’est Eric Laurent qui serait passé à l’offensive le premier. Sa phrase, dans l’enregistrement est inaudible, précise Le Monde, indiquant que la police scientifique française, qui traite la bande-son dans un laboratoire de Lyon, espère la faire ressortir rapidement. La version marocaine stipule que la phrase manquante du journaliste serait la suivante : « Avec ma collègue Catherine Graciet, nous avons signé pour la publication au Seuil d’un Roi prédateur n° 2. Nos informations sont explosives. La monarchie ne peut pas se permettre le scandale que causerait un tel livre. » Un phrasé éloquent, s’il est confirmé.

Comme indiqué dans un précédent article, la discussion s’engage longuement entre les deux hommes, sur le contenu même du livre. Fait insolite dans la discussion : Eric Laurent semble s’en prendre à William Bourdon, avocat qui le représente actuellement, en réagissant sur l’affaire du compte en Suisse supposé de Mohammed VI, révélé par Le Monde. Extraits :

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Une discussion pas si détendue qu’on l’avait annoncé

Toujours selon la source du Monde, Eric Laurent et Hicham Naciri n’ont pas la même appréciation de la qualité des « scoops » revendiqués par le journaliste français. Naciri minimise ces derniers quand Laurent maintient que ses informations sont « dévastatrices pour le royaume ». L’entrevue entre les deux hommes se tend, selon le quotidien. Dès lors, le proche de l’entourage du palais confie au Monde qu’Eric Laurent a entamé la fameuse discussion autour de la somme d’argent. Extraits :

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S’en suivra la fameuse discussion éloquente révélée par le Journal du Dimanche, dans son édition du dimanche 30 août : « Je veux trois millions d’euros »

Lire aussi : Chantage royal : ce que révèlent les enregistrements audios 

Une phrase-clé inaudible doit être analysée

De cette version émise par un proche du palais, une question subsiste : Qui des deux hommes a émis précisément en premier le principe d’un deal ? Comme le conclue Le Monde, « la phrase-clé fait sans doute partie de celles que les transcriptions signalent comme « inaudibles », mais devrait refaire surface après le travail de la police scientifique sur les enregistrements. »

Le journal français, relève par ailleurs deux failles dans le récit du journaliste Eric Laurent : sur la rencontre en elle-même, à aucun moment le journaliste semble vouloir profiter d’un tel entretien pour recouper ses sources ou faire « une interview du Palais », comme il l’avait indiqué, lors d’une précédente déclaration au Monde. En effet, il aborde dès le départ la « gravité » des éléments de son livre et en fait son cheval de bataille durant tout l’entretien. Deuxièmement, Eric Laurent a affirmé avoir entendu de la part d’Hicham Naciri la phrase suivante : «On pourrait peut-être envisager une rémunération, une transaction, en contrepartie d’un retrait écrit. » Or, cette dernière n’apparaît pas dans les enregistrements audios.

Le Monde évoque « une affaire d’état », dès lors que Maitre Naciri sort de l’entretien avec Laurent et informe le palais qu’il s’agit là d’une opération de chantage. Selon le quotidien français, « une enquête est diligentée sur l’entourage d’Eric Laurent.» Une enquête qui portera notamment sur son fils, Samuel Laurent auteur contesté de certains ouvrages sur le djihadisme, dont le journal français Libération avait tiré un portrait très peu glorieux : Samuel Laurent, attentat à la rigueur. « Au plus haut niveau de l’Etat, la décision est prise de porter plainte » continue le quotidien. « A Casablanca d’abord, le 17 août, par Me Naciri. Puis à Paris, trois jours plus tard par Me Ralph Boussier, un des avocats français du royaume. »

Le Monde affirme avoir recueilli une réaction dans l’entourage de Mounir Madjidi, le secrétaire personnel du roi Mohammed VI. Cette dernière hausserait le ton : « Et les 40 000 euros qu’ils ont chacun empochés ? Ils comptaient nous les renvoyer par la poste ? », prouvant ainsi l’agacement du palais face à cette affaire et à l’étalage dans les médias des deux journalistes Eric Laurent et Catherine Graciet.

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