Depuis quelques semaines, nous assistons à une série de faits et de décisions politiques qui nous préoccupent sur le respect des libertés individuelles et le droit à la différence au Maroc. Ainsi, on peut citer parmi ces faits, l’avant-projet de Code pénal, élaboré par le ministère de la Justice et marqué par un esprit conservateur et liberticide, l’interdiction de Much Loved, le film du réalisateur marocain Nabil Ayouch, la multiplication des condamnations de personnes pour leur homosexualité et leur agression dans les rues à l’image de ce qui s’est passé à Fès, et l’inculpation de deux jeunes filles à Inezgane pour « outrage public à la pudeur » et dont le seul tort est d’avoir porté des jupes au mois de juin.
Nous constatons une dégradation du débat public et une exploitation des sentiments religieux et identitaires pour instaurer un ordre moral rigide et hostile aux libertés individuelles. Un climat délétère et inquiétant entretenu par le gouvernement, qui agit comme le porte-voix d’une partie de la population au détriment de l’autre. Cette attitude se drape dans des habits démocratiques en se présentant comme l’expression de la majorité et l’incarnation de la volonté populaire. Or, faut-il rappeler que l’un des fondements de la pratique démocratique est le respect des minorités, notamment en matière de libertés.
L’espace public démocratique, lieu de débat et d’échange, n’est pas compatible avec l’intimidation et la violence, fussent-elles symboliques ou verbales. Le respect de la diversité intellectuelle et culturelle, l’extension des domaines des libertés et le droit à la différence sont des conditions nécessaires pour accéder pleinement à la démocratie et à un véritable État de droit. On assiste aujourd’hui à la montée inquiétante d’un conservatisme agressif et menaçant, qui s’immisce dans l’intimité même des individus et de leurs choix personnels. Une situation qui installe progressivement un terrorisme intellectuel et crée un sentiment de frustration chez une partie de la société. Le Maroc appartient à tous ses habitants, sans exception, est-il encore besoin de le rappeler.
La prolifération, sur les réseaux sociaux, d’appels au meurtre, d’insultes, d’attaques contre des figures artistiques, culturelles ou politiques sont des expressions de ce danger qui menace le vivre ensemble dans notre pays. Cette situation est d’autant plus dangereuse qu’elle mène la société sur une pente régressive qu’elle aura du mal à remonter. Les faits et décisions, prises de positions publiques, ont un caractère normatif qui instaure et banalise une norme sociale très en retard par rapport aux problématiques du monde contemporain, censure tout débat et trahit les espoirs apportés par la Constitution de 2011.
Nous, signataires de cet appel :
1- exprimons notre inquiétude à l’égard de ce climat malsain qui menace les libertés au Maroc
2- appelons les autorités publiques à agir avec vigilance et fermeté contre les expressions de haine et de violence
3- demandons au gouvernement de se hisser au-dessus des appartenances idéologiques et des calculs populistes et de se comporter en tant que gouvernement de tous les Marocains et non pas d’une partie d’entre eux
4- rappelons toute la place accordée par la Constitution de 2011 aux droits et libertés individuelles et revendiquons leur mise en application
5- exprimons notre attachement aux valeurs de liberté, de dignité humaine, du droit à la différence et le refus de toute forme d’exclusion et de stigmatisation.
Pour signer l’appel, cliquer ici
LISTE DES PREMIERS SIGNATAIRES
AÏCHA AKALAY, journaliste
ISMAÏL ALAOUI, universitaire
MEHDI ALIOUA, universitaire
RÉDA ALLALI, artiste
AHMED ASSID, écrivain et militant des droits humains
FOUZIA ASSOULI, présidente de la Ligue démocratique des droits des femmes
NABIL AYOUCH, cinéaste
ABDERRAHIM AZZOUZI, doyen de la faculté de médecine d’Oujda
OMAR BALAFREJ, président du mouvement Clarté, ambition, courage
KHANSA BATMA, artiste
TAHAR BENJELLOUN, écrivain.
FETTAH BENNANI, président de l’association Bayt Al Hikma
JALIL BENNANI, psychanalyste
FATHIA BENNIS, présidente de Women’s Tribune
AZIZ BOUCETTA, journaliste
KARIM BOUKHARI, journaliste
MERYAM DEMNATI, chercheuse et militante associative
NACEUREDDINE ELAFRITE, journaliste
SOUNDOUSS EL KASRI, journaliste
LEILA GHANDI, photographe
HAYAT GHARBAOUI, journaliste
DRISS JAYDANE, écrivain
DRISS KSIKES, écrivain
MOULIM LAROUSSI, universitaire
FATYM LAYACHI, artiste
NOUREDDINE LAKHMARI, cinéaste
YASSINE MAJDI, journaliste
MOHAMED MOUAKIT, universitaire
REDA MOUHSINE, journaliste
DRISS MOUSSAOUI, psychiatre
KHADIJA ROUISSI, présidente déléguée de l’association Bayt Al Hikma
NARJIS RERHAYE, journaliste
KARIM TAZI, militant associatif
SAMIRA SITAÏL, journaliste
LEILA SLIMANI, écrivaine
ABDELLAH TAÏA, écrivain
ABDELLAH TOURABI, journaliste
BAHAA TRABELSI, écrivaine
YOUSSEF ZIRAOUI, journaliste